2013-09-13 Committee on Institutions

Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)
Friday, September 13, 2013 – Vol. 43 N° 71

Special consultations and public hearings on Bill 28, An Act to establish the new Code of Civil Procedure

Table des matières

Auditions (suite)

Barreau du Québec

Mémoires déposés

Remarques finales

Mme Michelyne C. St-Laurent

M. Gilles Ouimet

M. Bertrand St-Arnaud

Autres intervenants

M. Pierre Marsan, vice-président

Mme Denise Beaudoin

* Mme Johanne Brodeur, Barreau du Québec

* M. Robert-Jean Chénier, idem

* M. Jocelyn Verdon, idem

* M. Jean Saint-Onge, idem

* M. Dominique Trahan, idem

* M. Louis Payette, idem

* M. Marc Sauvé, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Marsan) : À l’ordre, s’il vous plaît! Et je m’en voudrais de ne pas commencer cette importante séance en souhaitant un bon anniversaire à M. le ministre de la Justice.

M. St-Arnaud : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan) : Alors, une bonne journée, M. le ministre.

Mme St-Laurent : M. le Président, je le félicite pour ses 35 ans.

Le Président (M. Marsan) : Alors, à l’ordre, s’il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 28, loi instituant le Code de procédure civile.

M. le secrétaire, est-ce qu’il y a des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Duchesneau (Saint-Jérôme) est remplacé par Mme St-Laurent (Montmorency).

Auditions (suite)

Le Président (M. Marsan) : Je vous remercie. Ce matin, nous allons entendre le Barreau du Québec, et je voudrais d’abord souhaiter la bienvenue à nos invités. Pour les fins d’enregistrement, je vous demande de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez d’une période d’environ 30 minutes — et, après consultation avec les collègues, ça pourrait excéder le 30 minutes — et par la suite nous procéderons à la période d’échange avec les membres de la commission. Mme la bâtonnière, la parole est à vous.

Barreau du Québec

Mme Brodeur (Johanne) : Bonjour. Alors, le Barreau s’est déplacé pour souligner l’anniversaire d’un de ses membres aujourd’hui. Il nous fait plaisir, donc, d’être ici, et pour parler du Code de procédure, évidemment.

Alors, je vais commencer par la présentation des gens qui m’accompagnent ce matin : Me Robert-Jean Chénier, Me Jocelyn Verdon, Me Jean Saint-Onge, Me Dominique Trahan, Me Louis Payette, Me Réa Hawi et Me Marc Sauvé.

Alors, d’abord, je voudrais remercier tous les membres du Barreau, qui sont plus de 90, qui ont participé, commenté, regardé, analysé les propositions qui sont sur la table. Alors, leur contribution est incalculable, et je les en remercie. Je voudrais aussi souligner le travail de mes membres qui sont juristes ou légistes, et qui travaillent au gouvernement, et qui ont aussi mis leur savoir à contribution pour rédiger, vraiment, une pièce législative d’importance et qui, j’espère, changera, pour le public, son approche et son accès à la justice. Donc, merci à tous, c’est un travail apprécié.

La première chose que j’aimerais souligner, c’est l’importance du Code de procédure civile et l’importance qu’il soit adopté. C’est une question d’accès à la justice, et je crois qu’il y a un momentum à l’heure actuelle. Ce nouveau code est axé sur la gestion d’instance, sur la communication, sur la recherche de solutions, et, selon nous, il s’agit d’un dossier d’intérêt public. Nous sommes prêts aussi, comme Barreau, nos membres en ont entendu parler, nous sommes prêts à rédiger et à modifier nos manuels. Donc, nous comptons sur votre collaboration à tous afin que nous puissions mettre en oeuvre cette pièce législative importante.

Mon deuxième commentaire sera sur la technologie et la formation. Je dois vous dire que nous serons prêts, lorsqu’il sera adopté, à former nos membres. Il s’agit, lorsqu’on adopte un dossier tel que celui-là, d’une pièce législative importante qui devra être enseignée à nos membres, c’est un changement d’éducation, un changement de paradigme. Le Barreau est ouvert à cela et est prêt à regarder ces modifications l’esprit ouvert et collaborer avec la magistrature et les autres intervenants de la justice. Je sais qu’il y a le projet TOJ par rapport à la technologie, et nous souhaitons que la technologie supporte les modifications aussi qui viennent avec ce code, et que les investissements soient faits, et que les palais soient prêts pour nous permettre la mise en oeuvre de ce nouveau code là.

J’aurai aussi un commentaire bref sur la version anglaise du code. Le Barreau de Montréal a écrit un texte donnant quelques exemples, qui sont joints en annexe B de notre mémoire. Il s’agit là d’exemples. Je sais et je reconnais le travail que les légistes, les jurilinguistes ont fait pour faire cette traduction et travailler à la rendre la meilleure possible. Cependant, je vous soumets qu’il reste du travail encore à faire. Mais, comme je vous l’ai dit, nous souhaitons que ce code voie forme et, dans ce contexte, nous vous offrons notre entière collaboration pour améliorer la version anglaise afin que la totalité des textes soient prêts. Nous souhaitons cette collaboration parce que c’est important pour le citoyen que les deux textes soient d’égale qualité, et vous le savez, sinon ça nécessite des interprétations devant les tribunaux, et c’est finalement les citoyens qui doivent assumer une partie des frais lorsque nous devons faire ces précisions. Alors, il y a des améliorations à faire, nous reconnaissons le travail fait et nous sommes prêts à collaborer pour améliorer les textes.

En terminant, je voudrais mentionner que nous devons chercher aussi un équilibre. Nous sommes préoccupés de l’équilibre entre le pouvoir des juges et la compétence, la reconnaissance du travail fait par les parties. D’une part, dans le code, on incite les parties à travailler en médiation, à se parler, à arriver à des solutions, et, d’autre part, lorsqu’ils arrivent à des ententes après avoir investi du temps, de l’argent, des émotions aussi et qu’ils en arrivent à une entente, ces ententes pourraient être révisées par le juge. Écoutez, je suis convaincue que la magistrature userait de sa sagesse et de sa compétence pour, dans la mesure du possible, respecter l’intention des parties. Mais nous, nous croyons qu’il pourrait y avoir un meilleur équilibre, et je cite notamment les articles 48, 152, 159 et 172. Ce que je vous dis, vous l’avez déjà, écrit dans notre mémoire, mais nous attirons votre attention sur ce fin équilibre que nous devons rechercher.

Alors, je vous remercie du temps que vous allez prendre pour nous écouter et, à ce stade-ci, je céderais la parole à Me Chénier, qui débutera la présentation. Notre présentation se divise en trois grands axes : l’accès à la justice, l’efficacité du système judiciaire et la qualité de la justice. Alors, je cède la parole à Me Chénier.

M. Chénier (Robert-Jean) : Merci, Mme la bâtonnière. M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je vous salue au nom de mes collègues qui vont s’adresser à vous par la suite, en même temps.

Je débuterai avec les modes privés. Les articles 1 à 7 du projet de loi affirment l’existence des modes privés et volontaires de prévention et de règlement des différends. Ils obligent les parties à considérer le recours à ces modes avant de s’adresser aux tribunaux et à coopérer activement dans la recherche d’une solution et, le cas échéant, dans l’élaboration et l’application d’un protocole judiciaire.

Alors, le Barreau accueille favorablement l’introduction du protocole judiciaire… préjudiciaire à l’article 2. Ce nouveau mécanisme d’échange d’information au stade préalable à un recours judiciaire sera d’une grande utilité aux parties, dans certains domaines particuliers, afin de définir l’essentiel de leur différend et négocier de manière efficace. C’est une autre étape vers l’adoption d’une nouvelle culture judiciaire visant l’accroissement de la coopération entre les parties, en s’informant mutuellement des faits et des éléments susceptibles de favoriser un débat loyal ou un règlement.

Toutefois, le dernier alinéa de l’article 1 soulève des questionnements importants lorsque les parties… lorsqu’il stipule que «les parties doivent considérer le recours aux modes privés de prévention [ou] de règlement de leur différend avant de s’adresser aux tribunaux». Quelle est la réelle portée de cette obligation? Quelle sera la sanction d’un manquement à cette obligation? S’agira-t-il d’une obligation préjudicielle? Le juge pourra-t-il considérer ce manquement dans sa décision à l’égard de l’attribution des frais de justice?

• (9 h 50) •

Le Barreau est tout à fait favorable au développement et à la consolidation d’une culture d’échange, de négociation et de collaboration entre les parties, il en fait la promotion depuis de nombreuses années. Et cette culture doit se développer tout autant dans la phase judiciaire que dans la phase préjudiciaire.

Cependant, l’obligation faite aux parties de considérer les modes privés de résolution avant de s’adresser aux tribunaux ne doit pas avoir pour effet de créer une hiérarchie entre les modes privés et le système de justice civile. L’intention du législateur n’est certainement pas d’empêcher les citoyens de s’adresser aux tribunaux. L’accès au tribunal constitue un droit enchâssé dans la Charte des droits et libertés de la personne. En conséquence, le Barreau propose que l’article 1 devrait plutôt refléter une incitation à envisager les modes privés de règlement des différends plutôt qu’une obligation.

Le Barreau est aussi préoccupé de la dernière phrase de l’article 7, alinéa un, qui fait en sorte qu’un juge pourrait notamment reprocher à une partie son retrait trop hâtif d’un processus de médiation. Ceci est d’autant plus vrai dans le contentieux familial, où il est très important de préserver le droit des parties de se retirer d’un processus de médiation.

Par ailleurs, l’article 7, alinéa deux, prévoit une renonciation à la prescription ou la suspension de la prescription pour la durée de la procédure sans que cette suspension excède deux mois. Ce délai apparaît très court, et, pour permettre aux parties de pouvoir poursuivre le processus de règlement de leur différend sans devoir s’adresser au système judiciaire, le Barreau considère que les parties devraient pouvoir déterminer la durée de la suspension sans la limiter à deux mois.

Je passerai maintenant aux dépens, sujet dont on traite aux pages 13 à 16 du mémoire. Concernant les dépens, le Barreau est heureux de constater le choix du législateur de maintenir la règle générale de la succombance. Les dépens demeurent un facteur qui favorise l’accessibilité à la justice en permettant à celui qui a eu gain de cause de récupérer les frais qu’il a dû engager pour faire reconnaître son droit et aussi pour inciter à la prudence ceux qui poursuivent ou conteste un recours sans justification. Le Barreau considère que la règle de la succombance est conforme à l’objectif de l’accessibilité à la justice. Le Barreau considère qu’il y aurait lieu de suppléer toutefois au pouvoir d’octroyer des frais de justice en permettant au tribunal d’accorder un honoraire spécial dans une cause importante, selon les critères développés par la jurisprudence.

Le Barreau recommande aussi de mieux baliser les circonstances dans lesquelles le tribunal pourra accorder, en plus des frais de justice, une compensation pour le paiement des honoraires professionnels de l’avocat. L’article 342 du projet stipule que ce pouvoir pourrait être exercé en cas d’un manquement grave constaté dans le déroulement de l’instance. Il y aurait lieu d’en élargir l’application et baliser davantage ce pouvoir discrétionnaire accordé au tribunal, car les règles concernant l’attribution des frais, prévues aux articles 340 à 342, comportent une large part d’imprévisibilité.

Alors, je cède la parole à mon collègue Me Jocelyn Verdon.

M. Verdon (Jocelyn) : Bonjour. Alors, je m’en vais en matrimonial. Vous retrouverez nos argumentaires de notre mémoire aux pages 16 et 17. Mon intervention porte sur la durée de l’interrogatoire au préalable. Alors, on parle ici de l’article 229.

Dans le projet de loi, il est prévu que les interrogatoires en matière familiale ne devraient pas, principe général, excéder deux heures. Le Barreau n’est pas à l’aise avec cette proposition-là, et je voudrais vous expliquer, de façon concrète, les raisons pour lesquelles nous ne sommes pas à l’aise avec cela.

Nous sommes d’avis, pour faire une histoire courte, que l’interrogatoire au préalable, surtout en matière matrimoniale, où il y a des sentiments en jeu… Les sentiments font en sorte que, des fois, les parties adoptent des positions qui sont basées non seulement sur la logique, mais des fois, aussi, par les sentiments. L’interrogatoire a pour effet, notamment, de structurer, d’obliger les parties à structurer leurs demandes puis de passer un test juridique. Les avocats sont à même d’évaluer les réponses qui sont données, et les parties aussi. Alors, des fois, quelqu’un va dire : Non, je ne veux pas céder la maison, je ne reconnais pas les donations, je ne reconnais pas la garde. Et, après avoir entendu les arguments que l’autre soumet, bien, ça permet aux avocats de donner des recommandations, d’avoir l’heure juste pour la première fois dans le dossier.

L’avantage aussi, de l’interrogatoire, c’est que ça ne requiert pas de temps de cour, donc ça permet aux gens, justement, d’avoir accès parallèlement à la justice, et, selon nous, c’est un déclencheur important de règlement. Donc, ça favorise les règlements, parce qu’une fois que les parties se sont expliquées les avocats et les parties connaissent la version de l’autre et sont à même d’évaluer, en fonction du droit, quelles sont les chances de succès compte tenu des explications que nous avons entendues.

Et nous sommes d’avis que le fait de restreindre à deux heures lancerait un signal qu’en matrimonial les gens qui veulent excéder deux heures devront faire une demande au tribunal. On comprend qu’on veut éviter les abus, mais, en visant les abus, balance des inconvénients, on pénalise ceux qui sont en processus d’échange d’information; et on parle d’accessibilité. Alors, à mon avis — je clos sur ce point — je ne vois pas d’avantage majeur, là, si on soupèse les balances des inconvénients, et je suis d’avis qu’il serait dans l’intérêt des justiciables d’avoir accès pleinement à cet échange d’information pour une durée de cinq heures. Après cinq heures, effectivement, le Barreau est tout à fait d’accord que ça nécessite une demande au tribunal pour allonger, si c’est nécessaire. Mais il ne faut pas perdre de vue que ça touche la garde des enfants, le patrimoine familial. Il y a quand même pas mal de sujets abordés. Alors, c’était mon argument.

Le Président (M. Marsan) : Merci. Me Saint-Onge.

M. Saint-Onge (Jean) : Rebonjour à tous et à toutes. Sur le recours collectif… Bonjour. Sur le recours collectif, j’aborderai les thèmes suivants : tout d’abord, l’article 574 sur la preuve appropriée, également l’article 577 sur les recours multijuridictionnels, et le droit d’appel de l’article 578. Et je commencerai avec le droit d’appel.

En recours collectif, au stade de l’autorisation seulement, le droit d’appel est asymétrique. En effet, seule la partie requérante, conformément à l’article 1010, peut en appeler d’un jugement rejetant l’autorisation d’un recours collectif. Le jugement accueillant l’autorisation n’est pas sujet à appel de la part de l’intimé depuis qu’il fut supprimé en 1982.

L’amendement proposé par le Barreau permettrait deux choses. La première, au requérant d’en appeler d’un jugement accueillant en partie seulement la demande d’autorisation, soit que le juge ait réduit le groupe, la taille du groupe, ou la description, ou encore qu’il n’accorde pas certaines conclusions. À l’heure actuelle, il n’est pas possible pour le requérant d’en appeler parce que l’issue lui a été favorable, l’autorisation a été accordée. Bref, il a gagné, donc il ne peut pas faire réviser par la Cour d’appel les éléments quand même assez importants, entre autres le groupe et certaines conclusions qui n’ont pas été accordées. Et, deuxièmement, d’en appeler aussi d’un jugement accueillant la demande d’autorisation mais sur permission seulement, sujet aux règles des articles 29 et 511. Donc, dans le premier cas, celui du requérant, ça serait un appel de plein droit, alors que l’intimé, lui, qui ne dispose présentement d’aucun droit d’appel, disposerait, aurait, donc bénéficierait d’un droit d’appel mais sur permission, sujet aux règles usuelles.

Les motifs qui avaient amené le législateur à supprimer le droit d’appel de l’intimé en 1982 n’existent tout simplement plus. À cette époque, les appels qui étaient permis avaient pour effet de prolonger indûment les délais au stade de l’autorisation. Il n’était pas rare, en 1982, que les débats au stade de l’autorisation — et ça, c’est la première étape — durent quatre ou cinq ans. Or, cette époque est révolue. En effet, le paysage est fort différent en 2013, puisqu’on peut espérer, au stade de l’autorisation, d’être entendu, de procéder à l’intérieur d’une période variant entre 12 et 18 mois, et ce, entre autres, en raison des effets bénéfiques de la réforme de 2003 qui a instauré la règle de l’oralité. Parce qu’auparavant, avant 2003, les contestations se faisaient par écrit, par affidavit, ça prolongeait le débat. On a supprimé l’affidavit au soutien de la requête en autorisation, donc le requérant ne peut plus être interrogé par la partie intimée de plein droit en vertu de l’article 93, et tous les dossiers de recours collectif sont sujets obligatoirement à la gestion particulière de l’instance. Donc, il y a un juge qui gère le dossier, gère les échéanciers ainsi que les délais, de sorte que les risques de dérapage et de trop longs délais par cette gestion de l’instance sont à peu près nuls.

L’appel serait instruit et jugé en priorité — l’article 573, dernier alinéa, le prévoit déjà — et permettre l’appel ajouterait au mécanisme de filtrage qu’est l’étape de l’autorisation, ajouterait donc au mécanisme de filtrage pour écarter un recours autorisé, mais qui, ultimement, est voué à l’échec, auquel il faudrait autrement consacrer du temps — et il y a des exemples — du temps et des ressources judiciaires importantes, privant ainsi d’autres justiciables d’un accès aux tribunaux pendant qu’on s’occupe de ces dossiers-là. Cela pourrait également favoriser davantage des règlements hors cour du recours collectif si le jugement sur l’autorisation devait être confirmé par un éclairage de la Cour d’appel. Cet aspect, je vous le soumets, n’est pas à négliger. Et d’ailleurs bon nombre de recours collectifs se règlent au stade d’autorisation après le jugement.

Bref, le Barreau estime que le bénéfice surpasse de façon significative l’inconvénient de prolonger le stade de l’autorisation de quelques mois à peine, si l’on devait restaurer le droit d’appel pour la partie intimée. Nous estimons également que la jurisprudence sur la permission se développerait assez rapidement. Le Barreau n’anticipe pas d’abus sur l’exercice de ce droit par la partie intimée, c’est sur permission. Et ça nous permettrait également de faire l’arrimage avec les autres juridictions canadiennes, dont l’Ontario, qui bénéficient… dans les dossiers où les défendeurs, sur une demande de certification, bénéficient d’un droit d’appel sur permission également.

• (10 heures) •

Et je vous soumets également — et je termine là-dessus, sur cet aspect — qu’il faut tendre le plus possible à uniformiser les règles procédurales en recours collectifs au Canada, au Québec entre autres, dans un paysage ou un environnement où il y a de plus en plus de recours multijuridictionnels. Si on veut favoriser la juridiction du Québec, il faut s’arrimer avec les règles qui sont en vigueur dans les autres juridictions, mais, cependant, tout en maintenant la spécificité du recours québécois… du recours de la procédure québécoise. Alors, j’ai terminé sur cet aspect.

Brièvement, j’aimerais vous parler de l’article 577 sur les recours multijuridictionnels. Je n’irai pas sans détour. Le Barreau estime que l’article 577, tel que proposé, serait susceptible de causer beaucoup de difficultés, voire même donner lieu à des contestations constitutionnelles. À l’heure actuelle, le juge dispose de tous — de tous — les outils nécessaires pour se prononcer sur une question de suspension du recours québécois ou de son désistement par le biais des règles du Code civil, que ce soit le droit international privé, la litispendance, le forum conveniens, le principe du comité, soit la règle de courtoisie entre les tribunaux de différentes juridictions.

Il faut, en tout état de cause, favoriser une justice de proximité et de ne pas faire en sorte que ce soit à un juge de l’Ontario ou un juge de la Colombie-Britannique de décider de se prononcer sur les droits des résidents du Québec, surtout lorsque des questions portent sur des questions d’ordre public, telle la LPC, le droit des assurances ou encore les lois du travail. Mais, plus important encore, il n’y aucune réciprocité dans les autres provinces canadiennes, dans les autres juridictions canadiennes, ce qui risque de rendre encore plus fluide l’assujettissement du recours collectif québécois à des instances pendantes et émanant de d’autres juridictions canadiennes, et je pense surtout à l’Ontario. Et d’ailleurs je ne vois pas le jour où l’Ontario va adopter une disposition semblable à l’article 577, et il y a déjà beaucoup de pression pour que les grands débats, dans des recours multijuridictionnels, se fassent en Ontario et à Toronto. Mais surtout 577, tel qu’il nous est présenté, est susceptible de causer des contestations inutiles sur son application, alors que les règles sont déjà bien établies par la jurisprudence. En d’autres mots, quand ça fonctionne bien, on n’y touche pas.

Il y a les effets pervers que je soupçonne, et c’est là une inquiétude qui est partagée très largement par les membres du comité, autant en demande qu’en défense — je parle du Comité sur les recours collectifs, qui regroupe les avocats qui ne pratiquent que dans ce domaine-là — c’est que ça risque d’encourager nos collègues avocats des autres provinces de se présenter devant un juge de la Cour supérieure parfois pour favoriser leur propre juridiction et demander la suspension du recours collectif pour que le débat se fasse en Colombie-Britannique ou en Ontario. Donc, il faut être très attentifs à cette réalité, et je préfère vous mettre en garde maintenant.

Très brièvement, je termine avec la preuve appropriée. Vous verrez que le Barreau propose d’ajouter des termes, en tenant compte de l’entente entre les parties, le cas échéant, au troisième alinéa de l’article 574 — c’est dans notre mémoire, à la page 23 — parce que nous avons constaté qu’il y a encore trop de temps et de ressources qui sont consacrés à débattre de requêtes en vertu de l’article 1002 pour présenter une preuve appropriée, que ce soit une preuve documentaire ou un affidavit que l’on désire introduire — habituellement, c’est l’intimée qui le présente — ou encore la permission d’interroger le requérant, qui n’est plus automatique ou de plein droit comme auparavant. L’expérience démontre qu’il faut parfois attendre quelques semaines, et même des mois pour pouvoir être entendu simplement sur une requête préliminaire, qui est l’article en vertu de… qui est l’article 1002, en raison de l’agenda des avocats ou encore des disponibilités ou des assignations des juges, et ça a pour effet de prolonger l’étape d’autorisation.

Alors, le but de la modification que nous proposons, c’est d’envoyer ce message que les parties ont le droit de s’entendre entre elles afin de réduire le nombre de requêtes, et qui sont encore trop nombreuses, et toujours, aussi, dans une perspective de réduire les délais et de favoriser les ententes. Mais, dans tous les cas, ces ententes-là, le juge a discrétion, pleine discrétion, et la conservera. Les ententes devront être entérinées par le juge. Donc, malgré les ententes, le juge pourra déterminer s’il y aura lieu de produire une preuve appropriée.

Alors, voilà, c’étaient mes commentaires. Merci, et je cède la parole à mon collègue Dominique Trahan, Me Trahan, en droit de la jeunesse.

Une voix : L’efficacité du système.

Le Président (M. Marsan) : Me Trahan.

M. Trahan (Dominique) : L’efficacité. Alors, on va essayer de l’être, et, si jamais il y avait des questions ultérieurement, ça me fera plaisir d’y répondre.

Mais, à tout événement, il y a deux articles du projet de loi qui visent le droit de la jeunesse et la Loi de la protection de la jeunesse, à savoir les articles 821 et 37, troisième alinéa plus particulièrement.

Alors, la loi… ou le code prévoit déjà qu’en matière de protection de la jeunesse la loi est une loi particulière, et, dans les matières relatives à la jeunesse, la compétence de la cour, et la procédure à suivre, est déterminée par la loi particulière. Alors, l’article 821 du projet de loi fait disparaître de l’article 85 de la Loi de la protection de la jeunesse l’énumération des articles du Code de procédure qui peuvent s’appliquer dans la mesure où ces articles-là ne sont pas incompatibles avec la Loi de la protection de la jeunesse, qui est évidemment la loi spéciale.

L’énumération des articles peut paraître lourde à la lecture, sauf que, pour la pratique au quotidien, elle est utile. Les praticiens savent qu’est-ce qui s’applique et qu’est-ce qui peut s’appliquer, et la description, dans ce sens-là, est utilisée régulièrement. De la biffer de l’article en question par un amendement via le Code de procédure civile entraîne le fait qu’il n’y a plus de référence, et tous les articles possibles seront sujets à débat sur les nouveaux mécanismes, parce qu’à partir de ce moment-là on pourra éventuellement plaider qu’il y a possibilité de rendre ces dispositions-là compatibles avec la loi. Alors, dans le processus judiciaire de la pratique en protection de la jeunesse, ces débats-là, quant à nous, n’ont pas leur place et vont à l’encontre de l’intérêt de l’enfant en créant des délais supplémentaires. Il y aurait lieu aussi d’inclure à l’énumération tous les nouveaux processus judiciaires qui sont prévus au Code de procédure civile qui peuvent recevoir application en vertu de la Loi de la protection de la jeunesse par leur utilité. Alors, on pourrait revenir, mais je pense, par exemple, à une situation de quérulence.

Ensuite, l’amendement proposé à l’article 37, troisième paragraphe, permettrait à la Cour du Québec, quand elle est saisie d’une demande de protection ou d’adoption, de se prononcer sur les demandes qui y sont liées concernant la garde de l’enfant, l’exercice de l’autorité parentale ou la tutelle demandée par le directeur de la protection de la jeunesse. Le Barreau considère que cette disposition va à l’encontre du principe que la loi particulière détermine la procédure à suivre et la compétence de la cour. Cette loi particulière, la Loi de la protection de la jeunesse, en aucun temps n’utilise le mot «garde». L’article 91 de la Loi de la protection de la jeunesse prévoit que la cour peut maintenir un enfant dans son milieu familial ou encore le confier à l’un ou à l’autre de ses parents ou à un milieu substitut, style centre de réadaptation ou famille d’accueil. Alors, le libellé actuel de la loi spécifique permet de s’occuper de l’enfant dans toute sa situation familiale et d’imposer des mesures à l’enfant et à ses parents dans le but de mettre fin à une situation de compromission, qui est l’objectif de la loi.

Il y aurait aussi une autre disposition, qui n’est pas nécessairement visée par le projet de loi sur le Code de procédure civile, mais vous avez sur la table actuellement un projet de loi en adoption qui traite d’un amendement à la Loi de la protection de la jeunesse pour que les jugements puissent être disponibles chez SOQUIJ, parce que c’est des jugements qui doivent être balisés et aussi caviardés. Alors, cet amendement-là ne se retrouvera pas au Code de procédure civile, ce qui fait en sorte que, dépendant quelle loi sera adoptée en premier, il serait utile de l’avoir pour le mettre en vigueur également. Voilà. Alors, Me Verdon.

• (10 h 10) •

M. Verdon (Jocelyn) : Alors, nos prétentions se retrouvent à la page 30 de notre mémoire, et ça porte sur les conjoints de fait. Alors, le but de la… Premièrement, on salue l’initiative aux articles 411 et suivants, là, de permettre aux conjoints de fait de procéder dans un seul dossier. Alors, ça, c’était le but de la demande du Barreau; vous y donnez suite partiellement.

Puis j’aimerais peut-être clarifier un malentendu qui aurait pu être interprété. Ce que le Barreau recherche, ce n’est pas… puis j’ai cru comprendre… Nous voudrions que les conjoints de fait puissent procéder dans un seul dossier qu’ils aient des enfants ou non. Alors, je vais vous donner des exemples. Les conjoints de fait, on en retrouve de plus en plus. Au niveau procédural, ce qui se passe, c’est que, souvent, il y a des réclamations de différents types : une réclamation pour enrichissement injustifié, une réclamation en indivision pour mettre fin à la copropriété, une demande en partage de meubles. Ça donne lieu, techniquement, dans l’état actuel du droit, à trois dossiers distincts et à trois auditions distinctes. Nous, ce que nous voulions soumettre au tribunal, c’est de permettre aux justiciables… toujours pour respecter l’esprit du but de la loi, c’est de déjudiciariser et favoriser, de permettre de procéder dans un seul dossier.

Alors, nos recommandations, nos suggestions ne visaient pas, et je voudrais le clarifier, à ce que, dès qu’il y a des enfants, automatiquement les gens puissent choisir entre la Cour supérieure et la Cour du Québec. Pour nous, ça va de soi, dans notre suggestion, dans notre mémoire, lorsque les parties ont des enfants, nécessairement elles vont s’adresser à la Cour supérieure dans un seul dossier, c’est-à-dire on va procéder sur la garde, on va procéder sur l’indivision, s’il y en a une, et on va procéder sur la réclamation d’enrichissement injustifié, tout ça dans l’intérêt des parties. Si les parties n’ont pas d’enfant, nous voudrions que le projet de loi prévoie qu’ils pourront également s’adresser dans un seul dossier. S’il n’y a pas d’enfant, si la réclamation est inférieure à 80 000 $, ils pourront s’adresser en Cour du Québec. Si la réclamation est supérieure, ils s’adresseront en Cour supérieure… en Cour du Québec, pardon, si c’est en bas de 80 000 $; Cour supérieure, si c’est au-dessus de 80 000 $.

Alors, nous, dans notre tête, la proposition qu’on faisait prenait pour acquis qu’on ne changeait pas les dispositions puis les juridictions de la Cour du Québec et la Cour supérieure. C’est un avantage pour le justiciable, parce qu’actuellement, si vous êtes en présence de conjoints de fait qui n’ont pas d’enfant, bien, ils se retrouveront avec l’ancien système, c’est-à-dire avec l’obligation d’aller dans différents dossiers. Alors, je pense qu’il s’agirait simplement de prévoir que, lorsqu’il y a des enfants, c’est nécessairement en Cour supérieure. Sans enfant, bien, ils pourront s’adresser en Cour du Québec ou en Cour supérieure pour disposer de tous les litiges, là, qui découlent de leur union de fait de 15, 20 ans.

Alors, c’était la recommandation du Barreau, et nous sommes d’avis que ça répondrait à une accessibilité à la justice, ça réduirait les coûts et ça réduirait également l’ouverture de dossier et le temps d’audition. Parce qu’il ne faut pas sous-estimer l’impact d’un tribunal qui entend une requête en enrichissement injustifié et ensuite qui se prononce sur l’indivision. Alors, au lieu d’avoir deux auditions distinctes, nous en aurions une seule, réduction des coûts, réduction du temps d’audition, réduction d’ouvertures de dossier. C’était notre recommandation. Merci.

Maintenant, à mon confrère Louis Payette.

M. Payette (Louis) : Alors, mesdames messieurs, je dois traiter de cette partie du code qui parle d’exécution des jugements. Je dois dire, à ce sujet-là, que le Barreau salue les efforts qui ont été faits pour simplifier le processus d’exécution des jugements en général.

Vous allez constater, à lire les commentaires dans le mémoire, que le Barreau s’est intéressé plus particulièrement à la vente sous contrôle de justice en l’examinant sous l’aspect des droits hypothécaires et des recours hypothécaires. Et cet examen-là doit se faire dans un contexte où on sait qu’une hypothèque porte sur un immeuble; c’est la réaction première qu’on a en pensant à une hypothèque, hypothèque pour acheter un immeuble, pour refinancer un immeuble. Par exemple, c’est certain que c’est un segment extrêmement important de l’économie du Québec. Le Mouvement Desjardins indiquait, dans un prospectus, que les quelque 400 caisses du Québec avaient en cours 17 point quelques centaines de millions de dollars de prêts hypothécaires résidentiels à la fin de l’année 2010. Alors, c’est un chapitre qui est très important pour l’économie et pour les citoyens qui empruntent. Mais l’hypothèque grève aussi, depuis 1994, comme vous le savez, des biens meubles, de l’équipement, des stocks, des recevables. L’hypothèque est au service de l’entreprise. Il faut donc regarder ces dispositions sous un angle global.

Dans le mémoire, je désirerais souligner trois éléments principaux. Il y en a d’autres, et peut-être, dans la période de questions, qu’ils reviendront, mais un premier élément a trait à l’article 760. Cet article change le paysage juridique qu’on connaît depuis probablement un siècle ou plus en permettant de demander l’annulation d’une vente sous contrôle de justice, qui est le nouveau nom de la vente en justice, si on estime, si le requérant estime que la vente n’a pas été faite à un prix commercialement raisonnable. Cette demande peut se faire dans les 60 jours suivant la vente ou, si le tribunal le permet en vertu des pouvoirs donnés à l’article 84 du projet de loi n° 28, à l’intérieur d’un délai plus long.

Alors, cet article suscite des interrogations, en ce sens que, dans la tradition juridique québécoise et d’ailleurs, je suppose, le décret, c’est-à-dire la vente en justice, représentait la vente la plus sûre qui soit. Elle conférait à l’acheteur une sécurité au niveau du titre et du droit acquis. Cette possibilité d’annuler une vente, en alléguant que le prix n’a pas été suffisant, crée une insécurité juridique.

Seconde observation à ce sujet-là, c’est que le prix commercialement raisonnable est défini, dans le projet de loi n° 28, comme étant le prix le plus près possible de la valeur marchande, et ceci, également, suscite des questions. Si on consulte, par exemple, le Guide de pratique de l’Ordre des évaluateurs agréés, ceux-ci recommandent à leurs membres de distinguer entre différents types d’évaluation, notamment l’évaluation de la valeur marchande et l’évaluation d’une valeur de liquidation. Dans la valeur de liquidation, cet ordre introduit la vente forcée suite à une saisie ou la vente suite à l’exercice d’un recours hypothécaire. Il est donc conceptuellement difficile de voir comment ces deux concepts peuvent vraiment se marier ou s’apparier.

Deuxième observation a trait à l’article 766, qui, également, change le paysage juridique. Cet article prévoit qu’en cas de vente sous contrôle de justice, lors de la distribution du prix, si la vente est consécutive à une saisie faisant suite à l’obtention d’un jugement par un créancier ordinaire, ou peu importe sa qualité, le saisissant a droit, après paiement des frais de justice, à 10 % du montant à distribuer. Ceci bouleverse un peu le principe que les biens sont gage commun d’un créancier et qu’il y a égalité des créanciers, puisqu’on donne une préférence assez marquée à celui qui, le premier, a couru vers la saisie et l’exécution. Ceci dévalue aussi la priorité ou l’hypothèque des créanciers qui bénéficient d’une sûreté, et on peut se demander, du point de vue du justiciable, ou plutôt, je devrais dire, des emprunteurs, si cette disposition n’a pas pour effet de diminuer la valeur d’emprunt de leurs biens, en ce sens qu’un créancier va être tenté d’escompter ce 10 % à l’avance, en disant : Bien, je risque; même si j’ai une sûreté, quelqu’un peut passer avant moi.

Mon troisième commentaire, je vais le résumer très succinctement, a trait à ce que le projet de loi inverse, au niveau de l’exercice des recours hypothécaires, une démarche qui avait été adoptée par le législateur en 1994, c’est-à-dire que le législateur, à cette époque-là, avait créé, pour l’exercice des recours, un régime particulier en dehors du régime général de saisie et d’exécution. La démarche, ici, est inverse, et on crée un régime général pour aussi bien les créanciers ordinaires que des créanciers hypothécaires, avec comme conséquences un certain nombre de difficultés d’interprétation susceptibles de créer des débats, beaucoup de débats, à notre sens.

Dans la vente sous contrôle de justice, un jugement, à l’origine, détermine les modalités, établit les conditions lorsqu’il s’agit d’une vente demandée par un créancier hypothécaire. Les conditions de la vente sont établies au départ. Or, le projet de loi n° 128 assujettit au chapitre sur la vente sous contrôle de justice le créancier hypothécaire, donc le soumet à plusieurs incidents créés par l’article… la loi n° 128, qui normalement auraient dû ou sont… en fait, font l’objet du jugement d’origine. Alors, il y a une difficulté d’interprétation qui va se poser quant à ce qui s’applique, quant à ce qui ne s’applique pas, quant à ce qui s’applique partiellement ou pas.

Alors, voilà, en très peu de mots, ce que je voulais souligner du mémoire, et je cède maintenant la parole à Me Verdon.

• (10 h 20) •

M. Verdon (Jocelyn) : Bonjour. Alors, comme vous pouvez le constater, mon intervention porte sur deux points : la confidentialité en matière matrimoniale et l’expertise commune.

Alors, la confidentialité, je vais tenter de vous… Je n’ai pas beaucoup de temps, là, mais la confidentialité, écoutez, pour faire une histoire courte, à votre article 16… Je commencerais par la conclusion, finalement. Dans le milieu d’à peu près la première phrase, on semble dire que le dossier va être confidentiel si ces pièces et autres documents sont déposés sous pli cacheté. Je bifferais cela. Ça réglerait bien des problèmes, puis je m’explique.

En matière matrimoniale, le fait de déposer des documents sous scellés ne règle pas le problème. Le droit a beaucoup changé au cours des 10 dernières années. Les tribunaux nous demandent d’être beaucoup plus précis dans les procédures, d’être beaucoup plus précis dans les affidavits circonstanciés, dans lesquels on retrouve une foule de détailsqui sont totalement personnels. Les gens qui veulent avoir accès à la justice, justement, à mon avis, on doit, nous, comme institution et comme gouvernement, je pense, assurer la confidentialité pour que ces gens-là puissent se dire ce qu’il y a à dire, puissent aller à la cour sans crainte, possiblement, qu’une fuite puisse porter atteinte à leur carrière. Donc, dans ce cadre-là, vous avez des documents comme 827.5, qui contient le numéro d’assurance sociale, le nom de l’employeur, c’est des renseignements absolument incroyables. Vous avez les affidavits — je me répète — la convention matrimoniale. Le fait de mettre ces documents sous scellés, alors que, des fois, il y a des révisions de pension… On est en audition, le juge ouvre les enveloppes, ferme les enveloppes, remet… C’est impossible à gérer.

Donc, ce que nous soumettons, c’est : Inspirons-nous de l’article 13, l’ancien article 13 qui émet la directive suivante : Lorsqu’il y a une audition en matrimonial, elle est à huis clos. Donc, ce qu’on cherche à éviter, c’est que les voisins, les gens puissent assister à cette cause-là.

Alors là, ce qui se passe, c’est que, dans la minute qui suit la fin de l’audition, on émet un principe qui est le huis clos, mais les gens peuvent avoir accès au dossier. N’importe qui peut se présenter au greffe et connaître, en lisant l’affidavit circonstancié, en lisant la requête ou, s’il y a eu une entente, en lisant la convention… il peut avoir accès comme s’il avait été en audition. Il voit, il entend tout, il lit tout.

Donc, le fait de biffer le passage que je vous ai dit, ça ferait en sorte que les journalistes pourraient encore avoir accès, seraient liés par le fait qu’ils ne peuvent pas identifier les parties. Ça respecterait un certain équilibre sur la transparence du système judiciaire, mais ça respecterait aussi la particularité du droit de la famille, qui… Je ne vois pas en quoi le fait de connaître le nom des enfants, ce qui s’est passé, les comportements antérieurs puis les revenus des parties… Je ne crois pas que ce soit dans l’intérêt du public de connaître cette information-là. Et ça favoriserait un procès, là, en toute quiétude — déjà que c’est complexe — sans qu’il y ait des fuites.

L’expertise commune, c’est un autre élément qui nous interpelle, et je m’explique. En vertu des articles 32 et suivants du Code civil… L’intérêt de l’enfant, c’est la pierre angulaire de notre Code civil. Ce que nous demandons au justiciable, parce qu’on parle d’accessibilité à la justice, c’est de se présenter… après avoir franchi les étapes de médiation, etc., en souhaitant que ce processus fonctionne. Mais, s’il ne fonctionne pas, le justiciable se retrouve devant un tribunal et, contrairement aux autres expertises, il accepte de se conformer à la décision d’un tribunal qui va décider à quelle fréquence il va voir son enfant. C’est une décision majeure. Le fait qu’un juge puisse dire qu’à défaut, par les parties, de s’être entendues sur une expertise commune il va en ordonner une, à mon avis, c’est catastrophique pour certaines personnes. Qu’est-ce qui fait en sorte qu’après un processus judiciaire les parties vont respecter cette entente-là puis vont s’y soumettre? C’est la possibilité d’avoir expliqué et d’avoir soumis tous les arguments possibles, d’avoir été entendues puis d’avoir été écoutées.

L’expertise matrimoniale est souvent un peu aléatoire. Ce n’est pas aussi précis qu’un ingénieur ou… ce n’est pas mathématique. Donc, le fait d’avoir deux expertises, exceptionnellement, peut amener le tribunal à avoir deux visions différentes, peut permettre au parent d’avoir la certitude qu’il a tout fait puis il a soumis toute l’information requise au tribunal. Et je pense que tout le monde bénéficie de cette approche. Parce qu’il faut se poser la question. On ne règle pas un vice caché, là. Si on a un enfant de deux ans puis on décide à quelle fréquence le père ou la mère va voir cet enfant-là, il faut… ces gens-là doivent vivre avec la décision pendant peut-être 15 ans. Donc, le fait d’avoir une expertise peut permettre de désamorcer le problème, de permettre à ces gens-là de s’exprimer et d’accepter peut-être plus facilement la décision d’un tribunal en ayant la certitude qu’ils ont été entendus.

Alors, c’étaient les arguments… Ça nous préoccupe énormément qu’un juge puisse dire : L’intention du législateur, c’est de restreindre les expertises, j’en ordonne une seule, point à la ligne. Un juge qui… normalement, peut réussir à sensibiliser les parties et peut-être les amener à en faire une seule. Mais de l’imposer, ça nous semble carrément catastrophique en matière de garde d’enfant.

Merci. Je cède la parole maintenant à mon confrère Me Chénier.

Le Président (M. Marsan) : Me Chénier.

M. Chénier (Robert-Jean) : Concernant les sténographes, le Barreau est préoccupé par le délaissement de la transcription d’un témoignage par le sténographe. Le code devrait énoncer clairement que l’interrogatoire, hors de la présence du tribunal, devrait être devant un sténographe à moins qu’il y ait consentement des parties à ce que le témoignage soit seulement enregistré. Le Barreau favorise, à cet égard, le respect du consentement des parties, mais, à défaut d’un tel consentement, la présence du sténographe devrait être requise.

Il y aurait aussi lieu de s’assurer que la législation et la réglementation donnent la flexibilité nécessaire pour permettre des interrogatoires à distance, devant sténographe, si les parties y consentent. Par ailleurs, tout interrogatoire, qu’il ait lieu en présence du sténographe ou seulement par enregistrement de consentement des parties, devrait être transcrit par un sténographe pour être déposé aux dossiers de la cour. Il est impératif que la transcription de tout interrogatoire dont on veut se servir dans un débat judiciaire, en première instance ou en appel, soit effectuée par un sténographe officiel. On ne saurait accepter le dépôt du seul enregistrement sur son support électronique sans transcription officielle.

Concernant l’appel, le Barreau note que le projet de loi prévoit que les mesures de gestion relatives au déroulement de l’instance peuvent faire l’objet d’un appel sur permission d’un juge de la Cour d’appel, et cette mesure améliore la qualité de la justice. Cette permission ne sera accordée que si la mesure ou la décision apparaît déraisonnable en regard des principes directeurs de la procédure. Le Barreau considère qu’il y a lieu d’élargir la portée de l’appel sur permission dans la mesure où la décision sur la mesure de gestion n’a pas été rendue judiciairement. Il y eut des cas où la Cour d’appel a dû infirmer des mesures de gestion lorsque le juge n’avait pas exercé judiciairement sa discrétion, en privant une partie d’une preuve essentielle à la solution du litige. On ne saurait accepter l’absence d’un droit d’appel lorsque le juge de première instance n’a pas exercé judiciairement sa discrétion.

Finalement, quant aux mesures de gestion, le Barreau note que le code accorde des pouvoirs d’office aux juges en matière de gestion aux articles 48, 152, 159 et 172. Le Barreau considère que, pour atteindre un meilleur équilibre entre les pouvoirs de gestion du juge et le rôle des parties, lesquelles demeurent maîtres de leurs dossiers, le juge ne devrait pas intervenir s’il y a entente entre les parties. Le Barreau suggère de remplacer l’expression «d’office» par l’expression «à défaut d’entente entre les parties». Il faut rappeler que c’est lors de l’examen du protocole de l’instance, en vertu de l’article 150, que le juge l’examine selon les directives que le juge en chef établit pour le respect des principes directeurs de la procédure et que l’article 18 prévoit que les juges appliquent le principe de proportionnalité dans la gestion des instances qui leur sont confiées. Ces pouvoirs généraux apparaissent bien suffisants pour permettre aux juges de veiller au respect des principes directeurs de la procédure et à la bonne administration de la justice.

Il est évident que les juges seront beaucoup plus sollicités en matière de gestion d’instance, mais il faut préserver un sain équilibre en responsabilisant les parties, qui ont la maîtrise de leurs dossiers, dans le respect des principes directeurs de la procédure et il faut préserver et consolider cette confiance mutuelle. Mme la bâtonnière.

• (10 h 30) •

Mme Brodeur (Johanne) : Alors, merci à mes collègues pour leur présentation. Merci de votre écoute. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Nous avons présenté ce qui est l’essentiel pour nous, mais vous savez que notre mémoire contient bien d’autres commentaires. Alors, nous sommes là pour vous éclairer. Merci.

Le Président (M. Marsan) : Alors, à moi de vous remercier de nous avoir donné le point de vue du Barreau du Québec sur le projet de loi n° 28. Nous allons débuter immédiatement cette période d’échange, et je vais donner la parole à notre jubilaire, M. le ministre de la Justice. M. le ministre.

M. St-Arnaud : Merci, M. le Président. Bien, bonjour, Mme la bâtonnière du Québec, Me Brodeur. Bonjour à madame messieurs qui vous accompagnent. Je me permettrais peut-être, vu qu’on en a pour quelques heures, de vous présenter les gens qui m’accompagnent : à ma droite, la sous-ministre en titre du ministère de la Justice, Me Nathalie Drouin, avocate émérite; également mes collègues députés, le député de Mirabel, qui est également membre du Barreau du Québec, le député de Sherbrooke; à ma gauche, Me Nadine Koussa, qui est conseillère politique à mon cabinet; et, j’allais dire, mon trio d’experts, qui est assis derrière, qui m’a accompagné dans ce dossier depuis un an : Me Longtin, avocate émérite, que vous connaissez bien sûr tous; Me Chamberland, avocat émérite également; Me Pelletier; et leurs équipes qui les accompagnent.

Bien, d’abord, un énorme merci pour votre mémoire, pour votre témoignage, et ça s’adresse au Barreau et à ses différents comités. Je suis heureux de voir qu’on a fait pas mal de chemin, depuis quelques années, sur ce dossier et qu’on est maintenant rendus aux derniers éléments à perfectionner dans ce nouveau Code de procédure civile que j’espère voir adopté au plus tard… sinon en décembre, au plus tard en février — je regarde du côté de l’opposition, je regarde du côté du bâtonnier qui est devant moi. Je dis bravo, parce que, ce matin, en venant de Montréal, je relisais le mémoire, et c’est concis, c’est clair, il n’y a pas 300 pages, il y a 50 pages, et on va directement… Et, j’allais dire, même un criminaliste peut comprendre ça facilement. C’est important, parce que vous savez que la quasi-totalité des membres de la commission sont des criminalistes. Alors, c’est important d’y aller d’une manière qui soit appropriée, parce que c’est sûr que, pour certains d’entre nous à tout le moins, la procédure civile n’est pas notre champ de spécialité.

Je commencerais peut-être avec la confidentialité en matière familiale. Est-ce que je comprends, Me Chénier, de ce que vous nous avez… Me Verdon, excusez, Me Verdon. Est-ce que je comprends qu’à l’article 16, si on enlevait «sous pli cacheté» dans le premier alinéa, il n’y aurait plus de problème ou à peu près?

M. Verdon (Jocelyn) : Bien, ma compréhension, pour répondre à votre question, j’étais sous l’impression que oui. Parce que, le deuxième alinéa, on nous dit : «Lorsque l’accès à des documents est restreint…» À ce moment-là, on viendrait d’établir qu’en matière familiale l’accès aux pièces et autres documents, versés à un dossier, qui comportent des éléments d’identification est restreint. Puis là on dit : «Lorsque l’accès à des documents est restreint, seuls peuvent les consulter ou en prendre copie les parties, leurs représentants, les personnes désignées par la loi et les personnes, dont les journalistes», etc.

Donc, ça répondrait au problème. Il faudrait juste s’assurer qu’on puisse dire au greffe : Vous ne pouvez pas… Le voisin ne peut pas consulter le divorce de son conjoint ou de… bien, quelqu’un qui se sépare, là, qui est en politique, par exemple.

M. St-Arnaud : En fait, que le greffe maîtrise bien, là, l’article 16 au complet, notamment le deuxième alinéa, là, qui est… quant à qui peut consulter ces documents-là. Parce que ce que je comprends, c’est que, si on met «sous pli cacheté», ça ne se fera pas nécessairement automatiquement. Il y a des endroits où ça…

M. Verdon (Jocelyn) : Bien, il y a des choses qu’on ne peut pas mettre sous… cachetées. Il y a des procédures, des affidavits, on ne peut pas les cacheter. Les requêtes, on ne peut pas, les conventions non plus. Donc, on règle une partie du problème, mais l’essentiel… Les rapports d’impôt, de toute façon, actuellement, on peut demander au tribunal de les mettre sous scellés ou…

M. St-Arnaud : Mais ça ne se fait pas… Ce que je comprends, c’est que ça ne se fait pas… Ça dépend des dossiers. Il y a des dossiers où ça se fait, il y a des dossiers où les avocats…

M. Verdon (Jocelyn) : Ça se fait très peu, en toute honnêteté, parce que le procès, c’est trop lourd. On l’a vérifié. Puis là on est en procès, c’est cacheté. Le juge ouvre, il faut le refermer. Quelqu’un veut le reconsulter, il y a une modification de pension, on est aux mesures provisoires, on s’en va au divorce. C’est, à mon avis, extrêmement complexe comme gestion.

M. St-Arnaud : Ce que vous dites, Me Verdon, c’est : Oubliez le pli cacheté, là; qu’il y ait un accès restreint. Allons avec l’accès restreint et avec un certain nombre de personnes. Et ça, vous êtes d’accord, là, pour ce qui est du deuxième alinéa.

M. Verdon (Jocelyn) : Tout à fait.

M. St-Arnaud : Écoutez, je ne veux pas conclure, parce qu’on n’est pas rendus à cette étape-là, mais on accueille avec beaucoup, beaucoup d’intérêt votre proposition. Hier, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse nous a proposé de mettre la clause… c’est-à-dire la clause dérogatoire de l’article 23… c’est-à-dire la clause dérogatoire… de dire que l’article 16 s’applique malgré l’article 23 de la Charte des droits, là, ce que, probablement, on pourrait insérer à l’article 16, ou faire en sorte, là, que les articles 12 à 16 s’appliquent nonobstant l’article 23 et… Mais sachez que, sur cet élément-là, je pense que nous sommes pas mal convaincus.

Vous n’en avez pas parlé beaucoup dans votre présentation d’ouverture, le rapport d’expertise, les articles 238,240, 293, 294, j’aimerais… peut-être, vous en avez parlé, puis je l’ai… ça m’a échappé, là, pendant les quelques minutes où vous en avez parlé. J’aimerais d’abord vous entendre sur le rapport d’expertise. Je crois comprendre que vous avez essentiellement trois… il y a trois éléments, là, qui vous préoccupent eu égard au rapport d’expertise. Alors, j’aimerais que vous les exposiez, et on pourrait les prendre un par un par la suite.

M. Chénier (Robert-Jean) : Oui. M. le ministre, concernant l’article 238, il stipule que «le rapport de tout expert doit être suffisamment détaillé et motivé pour que le tribunal soit lui-même en mesure d’apprécier les faits et les conclusions». Je vais vous donner mon point de vue de praticien. Lorsqu’on demande l’opinion d’un expert, le rapport est rédigé en termes scientifiques, en termes qui sont opaques pour le profane, parce que l’expert se prononce dans son domaine, que ce soit en chimie, en médecine, en informatique. Et demander à un expert de faire l’effort de vulgarisation pour que tout profane… et le rôle de l’expert est d’instruire un profane, mais que tout profane puisse le comprendre, je l’ai déjà vu faire, mais ça quintuple ou ça multiplie par 10 le coût du rapport. Il y a des experts qui produisent des rapports où, pendant des pages et des pages, ils expliquent la théorie puis, à la fin, ils donnent de l’information. Autant les avocats en demande qu’en défense — et je me souviens que Me Ménard, devant la commission, avait fait le commentaire — si on demande ça, on a plusieurs experts qui ne voudront pas agir en experts, parce que ce sont des gens qui veulent pratiquer et non pas faire des rapports d’expertise ad nauseam. Et ceux qui vont le faire, ça va être extrêmement coûteux.

Et ce n’est pas une mesure qui favorise, à notre avis, l’accessibilité et l’efficacité. D’autant plus que 93 % des rapports qui sont produits ne se rendent pas à la cour et ne sont jamais lus à un juge parce qu’il y a un règlement hors cour. Donc, en recevant un rapport d’expertise, la partie adverse va consulter son propre expert et va être à même de le comprendre. Alors, cette exigence, à notre humble avis, ne rejoint pas les objectifs d’efficacité et d’accessibilité.

Allons maintenant à l’article 240, qui est le deuxième point. C’est une innovation qui n’existait jamais auparavant…

M. St-Arnaud : …de vous interrompre. Peut-être juste sur ce que vous venez de dire, puis je le reprends un peu sur le début, puis on ira à 240 après. C’est juste sur ce premier élément là. Ce qui est souhaité ici, c’est que, finalement, le rapport, le témoignage de l’expert devant le tribunal soit limité par rapport à… On en a tous fait entendre, des experts, et effectivement l’idée était de dire : On dépose un rapport d’expert qui tient… Et on le retrouve à 293, oui, c’est ça. Alors, l’idée, c’était de dire : On fait faire un rapport par l’expert, et, à 293, le rapport de l’expert tient lieu de son témoignage, pour éviter, là, ce qu’on voit… enfin, ce qu’on voyait dans la chambre où je pratiquais, où on passait une heure à faire répéter, finalement, à l’expert, pendant une heure, une heure et demie, une grande partie de son rapport d’expertise. Alors, ce qu’on dit à ce moment-là, ce qu’on dit à 293 : «Le rapport de l’expert tient lieu de son témoignage.»

À partir du moment où le rapport de l’expert tient lieu de son témoignage, est-ce qu’il ne doit pas être suffisamment détaillé — pour reprendre le libellé de 238 — et motivé pour que le tribunal soit lui-même en mesure d’apprécier les faits et les conclusions?

• (10 h 40) •

M. Chénier (Robert-Jean) : Dans notre expérience, le juge va réellement comprendre la position d’une partie puis l’explication d’expert lorsque l’expert, dans son témoignage en chef, va expliquer son opinion. Et, les juges, la tradition veut qu’ils absorbent l’information selon des témoins qui viennent leur expliquer toutes les circonstances, et ça aussi, quant à nous, ça s’applique à l’expert.

Et j’ai vécu une expérience, récemment, où on était dans une conférence de règlement à l’amiable, on n’avait pas d’expert avec nous puis on s’est rendu compte, à la fin de la journée, les deux avocats des deux côtés, qu’on n’avait vraiment pas compris du tout les rapports sur lesquels on se fondait pour régler la cause. Donc, l’éclairage, dans le témoignage en chef, de l’expert est absolument essentiel pour que nous, profanes, on arrive à comprendre son point de vue.

J’abonde dans le sens de l’article 238 quand on dit que le rapport doit mentionner les instructions, doit mentionner les faits, doit mentionner la méthode d’analyse. Mais, aller jusqu’à ce qu’on pense que le rapport va tenir lieu du témoignage, je pense que c’est enlever la chance aux parties de vraiment présenter leurs points de vue. Le rapport est déposé, il fait partie de la preuve. En Ontario, dans d’autres provinces, il faut le lire au complet ou il faut accepter qu’il soit… de se dispenser de lecture. On n’a pas besoin de ça au Québec, mais par la suite il faut quand même que l’expert puisse expliquer son point de vue dans son témoignage en chef.

M. St-Arnaud : Mais, cet élément-là, il pourra le faire, il pourra l’exposer, son point de vue, lors de l’interrogatoire en chef. «Chacune des parties peut interroger — à 294 — l’expert qu’elle a nommé, [...]pour obtenir des précisions sur des points qui font l’objet du rapport ou son avis sur des éléments de preuve nouveaux présentés au moment de l’instruction; elles le peuvent également, pour d’autres fins, avec l’autorisation du tribunal.»

M. Chénier (Robert-Jean) : Ce libellé-là nous inquiète, M. le ministre, parce qu’être restreint à fournir des précisions ou sur des faits nouveaux survenus au cours de l’enquête, ça ne donne pas la permission à l’expert de vraiment développer et d’expliquer son point de vue, ce ne sont que des précisions. Donc, l’emphase va être mise sur le contre-interrogatoire. À la lecture actuelle du projet, on dépose un rapport d’expertise, on demande quelques précisions, et le juge est surtout informé par le contre-interrogatoire. Je ne sais pas si ça va vraiment aider à éclairer la cour de façon satisfaisante.

M. St-Arnaud : Mais, Me Chénier, qu’est-ce que vous proposez, autre que le statu quo, eu égard au rapport d’expertise? Parce que ce que vous semblez dire, là, c’est, bien : Qu’on fonctionne comme on fonctionne présentement. C’est-à-dire, il y a un rapport d’expert, et puis, sous réserve… ce que vous dites dans votre recommandation 6, là, on s’en tient aux critères de la pertinence et donc on peut interroger et contre-interroger l’expert, finalement, sans limites. Est-ce que je vous comprends… Est-ce que vous proposez le statu quo, finalement?

M. Chénier (Robert-Jean) : Je comprends très bien. Et le Barreau est en faveur de l’évolution vers une nouvelle culture, et on a déjà plusieurs outils dans le Code de procédure civile, dans le projet de loi. Premièrement, il y a l’application du principe de la proportionnalité. Les experts ne devraient être entendus que sur ce qui est… avec une durée par rapport au moyen de preuve, ce qu’on n’avait pas avant. Là, on peut maintenant suggérer que les experts, au moyen de laproportionnalité, limitent leur témoignage à ce qui est nécessaire, de façon proportionnelle à la cause. On a le principe de limiter l’affaire à ce qui est nécessaire à l’article 19. On a la mission de l’expert, qui est d’éclairer le tribunal, les réunions entre experts, l’exigence d’un expert compétent et le pouvoir du tribunal d’ordonner une expertise pour le tribunal, si requis. Et aussi le tribunal peut… a des nouveaux pouvoirs dans la présentation de la preuve pour peut-être entendre des experts en bloc ou par panel. Et de plus on a la nouvelle exigence qu’il n’y a qu’un seul expert par discipline ou par matière. Alors, on a ajouté, dans le nouveau projet, énormément de balises qui visent à limiter l’expertise à ce qui est essentiel.

M. St-Arnaud : Pour l’essentiel, vous dites, sauf peut-être le fait d’avoir un expert par… Pour l’essentiel, vous dites : Le juge a des poignées ici et là pour s’assurer que ça ne dure pas indéfiniment.

M. Chénier (Robert-Jean) : Absolument.

M. St-Arnaud : O.K. Par rapport… Mais vous dites essentiellement : Nous, on propose, là, essentiellement la même façon de procéder qu’actuellement, mais en vous disant : Un peu partout dans le code, si le juge veut, il y a des poignées pour agir. Est-ce que je résume ça, là, en termes simples, là?

M. Chénier (Robert-Jean) : Absolument. Mais il y a beaucoup de réduction déjà, ne serait-ce que par le nombre d’experts et par la règle de la proportionnalité, par l’ordre de présentation des témoignages et l’intervention du juge dans la conférence préparatoire sur les modalités de l’expertise et la façon dont on va procéder. Alors, il y a beaucoup plus d’outils de gestion d’instance de la preuve d’expertise, qui en avait fort besoin, et le Barreau abonde dans le sens de la réforme à cet égard-là.

M. St-Arnaud : Et votre principal argument sur 238, c’est une question de coût? Vous dites…

M. Chénier (Robert-Jean) : Notre expérience, en pratique, M. le ministre, c’est que, si on demande aux experts d’avoir des rapports qui vont expliquer la technologie ou les aspects scientifiques sur lesquels ils se fondent pour que tout profane puisse comprendre, il va y avoir vraiment un accroissement important des coûts; et nous, collègues autant en demande qu’en défense, on abonde dans ce sens-là. Ça nous préoccupe énormément.

M. St-Arnaud : Vous dites : J’aime mieux avoir un rapport écrit moins volumineux puis je l’interrogerai lors du procès?

M. Chénier (Robert-Jean) : Que l’expert se prononce dans la terminologie qu’il utilise habituellement pour faire ses rapports, et nous, comme avocats, avec notre expert, on va s’organiser pour le comprendre et par la suite l’expliquer au tribunal.

M. St-Arnaud : Parce que, le 238, on peut… — si vous me donnez quelques minutes, M. le Président, je vais essayer de terminer ce sujet-là, puis ensuite je passerai la parole à mon collègue. Et vous trouvez que c’est suffisamment détaillé, là. Ce n’est pas… C’est quand même des termes… Il y a de la marge, là, avec «suffisamment détaillé», à 238, là, mais, pour vous, ce n’est pas suffisant, là? Parce qu’on indique qu’il faut que «le tribunal soit [...] en mesure d’apprécier les faits et les conclusions» à partir de ce rapport.

M. Chénier (Robert-Jean) : Et il me semble que je ne peux pas ne pas être d’accord avec le fait que le rapport doit être suffisamment détaillé et motivé, mais ma préoccupation est de revenir au concept «pour que le tribunal soit lui-même en mesure d’apprécier», et c’est là qu’est le problème, à mon avis. Donc, on devrait avoir un rapport suffisamment détaillé et motivé, qui énonce les faits, qui énonce les conclusions, qui énonce la méthode d’analyse, mais sans dire que ça soit au niveau profane.

M. St-Arnaud : Ce que vous dites, c’est… Si on enlevait la phrase «pour que le tribunal soit lui-même en mesure d’apprécier les faits et les conclusions», vous pourriez vivre avec ça?

M. Chénier (Robert-Jean) : Absolument, M. le ministre.

M. St-Arnaud : O.K. O.K. Et par contre, si je reviens à 293, sur cet élément-là, puis on pourra revenir à 240 après, là, qui est plus… qui est problématique, là, une fois cela fait, vous avez de la…

M. Chénier (Robert-Jean) : On préférerait que l’article 294, par exemple, stipule que chacune des parties peut interroger l’expert qu’elle a nommé, pour faciliter la bonne compréhension du tribunal et expliquer les points de divergence des experts.

M. St-Arnaud : Mais c’est un peu ça.

M. Chénier (Robert-Jean) : C’est peut-être le mot «précisions» qui nous préoccupe, M. le ministre.

M. St-Arnaud : Oui. O.K.

M. Chénier (Robert-Jean) : Parce que les précisions, ce ne sont que de petits ajouts…

M. St-Arnaud : Que des détails, que de petits détails.

M. Chénier (Robert-Jean) : C’est des détails, alors que, l’essentiel de l’opinion de l’expert, il devrait être capable de s’assurer de la transmettre pour la bonne compréhension du tribunal.

M. St-Arnaud : Parce que, si, 238, on enlève… Il faut que le rapport soit suffisamment détaillé; puis évidemment on fait mention des instructions reçues puis de la méthode d’analyse. Puis après ça, à 293, on arrive, on le dépose et «tient lieu de témoignage», et qu’à 200… je comprends que, ça, vous avez des réserves, là, mais… et, à 294, on élargit au-delà de «précisions».

M. Chénier (Robert-Jean) : Ça répondrait tout à fait aux préoccupations.

M. St-Arnaud : O.K. Ce que vous voulez, c’est un cran de plus que «précisions», là. Parce que j’essaie de voir… Ma modeste expérience, là, pendant 15 ans, mais c’était, évidemment, à la chambre criminelle et pénale, bien, je me rappelle que, la première heure, on passait une heure ou une heure et demie à faire répéter le contenu du rapport écrit à l’expert, là, en interrogatoire principal. Puis je comprends la préoccupation de ces articles, les préoccupations des gens qui les ont rédigés, et ça remonte quand même à quelques années, que c’était… La préoccupation, c’était ça, c’était d’essayer de sauver une heure, ou deux, ou trois, ou… en civil, c’est probablement encore plus complexe à certains moments puis de… de sauver quelques heures.

Donc, on dépose le rapport, il tient lieu de témoignage, et là on veut essayer d’aller au coeur du problème pour la suite des choses, là. On n’a pas besoin de recommencer de la première ligne du rapport écrit, là.

• (10 h 50) •

M. Chénier (Robert-Jean) : Et le juge, en vertu de la règle de la proportionnalité, devrait dire dès le départ : S’il vous plaît, ne commencez pas à relire tout votre rapport, faites-moi l’explication des points essentiels. Et ça, le code, lui, exige qu’il joue ce rôle-là en vertu de l’article 18.

M. St-Arnaud : Une dernière chose, Me Chénier. Évidemment, on lit une partie de 294, mais, comme la sous-ministre vient de me le faire remarquer, effectivement, on dit aussi, à 294, que les parties peuvent aller au-delà des précisions avec l’autorisation du tribunal. Hein, c’est ce qu’on dit. Elles le peuvent également pour d’autres fins qu’aller chercher des précisions ou avoir l’avis sur des éléments de preuve nouveaux. Elles peuvent également, donc, y aller plus largement avec l’autorisation du tribunal. C’est quand même prévu qu’on peut, si… Ce n’est pas juste «précisions», on peut aller un cran au-dessus de «précisions», déjà, avec le libellé actuel de 294.

M. Chénier (Robert-Jean) : Tout à fait.

M. St-Arnaud : O.K. J’aimerais vous entendre peut-être cinq minutes, avant de laisser la parole, juste pour finir, sur 240. En fait, c’est votre… vous avez des remarques sur 238, vous avez des remarques sur 293 et 294, et effectivement vous avez des remarques sur 240. Et ça m’intéresse, ce bout-là.

M. Chénier (Robert-Jean) : Je pense qu’il y a une réelle volonté, parmi les membres du Barreau, d’évoluer vers une nouvelle culture judiciaire. Je peux vous dire que, des rencontres entre experts, on en fait, on en fait sans préjudice, on en fait quand le juge les demande. On peut arriver au moment du procès, et le juge peut dire à deux experts : S’il vous plaît, allez vous rencontrer et revenez demain avec un rapport commun. Donc, les rencontres entre experts, sous l’article 413 actuel, fonctionnent très bien. Et on en fait de façon sans préjudice et de façon formelle.

Cependant, là où 240 innove de façon étonnante, à mon humble point de vue, c’est qu’avant «le dépôt du rapport[...], l’expert doit, à la demande du tribunal ou des parties, fournir des précisions sur certains aspects du rapport et rencontrer les parties afin de discuter de ses opinions en vue de l’instruction».

Mon point de vue, comme praticien, c’est que ça veut dire que, le moindrement que je reçois un rapport d’expertise, je vais envoyer une lettre en demandant des précisions à l’expert, qui va devoir me répondre, et je vais appeler l’expert, puis je vais dire : Je vous convoque à venir me rencontrer au bureau, puis on va parler de votre rapport avec mon client. Il n’y a pas d’enregistrement sténographique, c’est informel. Je présume que l’autre avocat va venir là aussi. Mais c’est l’équivalent, pour ainsi dire, d’un interrogatoire au préalable informel, ce qui ne s’est jamais fait. Et là je m’interroge, dans les dossiers où on a plusieurs experts, de l’accroissement des coûts que cela va amener de devoir céduler une rencontre avec un expert. Et c’est très large et très imprécis comme disposition.

Alors, il y a des juridictions dans d’autres… Dans d’autres juridictions, le préalable de l’expert existe; il n’existe pas ici. Mais ici on semble l’importer de façon très floue, et ça nous interpelle au niveau de l’efficacité et des coûts.

M. St-Arnaud : Si, Me Chénier, on… Moi, je vous avoue que, premier alinéa de… Je suis très transparent, hein, je fais état de ma réflexion au fur et à mesure. Mais je vous avoue que, 240, le premier alinéa, j’imaginais, quand on pratiquait, M. le député de Fabre, mettre les deux… le psychiatre de la couronne puis le psychiatre de la défense dans la même salle pour essayer de discuter de leurs opinions, je ne sais pas ce que ça aurait donné, mais je ne suis pas sûr que… Honnêtement, là, sur le premier alinéa, je comprends vos préoccupations. On va les analyser plus attentivement avec les experts, bien sûr. Mais, si on supprimait le premier alinéa — je comprends que c’est votre recommandation 8 — et qu’on gardait le deuxième alinéa, avec le consentement des deux parties, vous vivriez bien avec ça?

M. Chénier (Robert-Jean) : Absolument. D’ailleurs, le deuxième alinéa reprend les dispositions de l’article 413 actuel.

M. St-Arnaud : O.K. Et ce qui se fait… ce que vous me dites se faire en pratique régulièrement.

M. Chénier (Robert-Jean) : Ça se fait en pratique, et c’est profitable, quand on le juge approprié entre parties. Par exemple, au niveau des dommages, alors que c’est surtout la responsabilité qui est en cause, on propose aux experts de se rencontrer, puis ça amène une admission de… quant au montant des dommages. Et ça, on peut le faire de façon informelle ou bien avec un ordre de la cour.

M. St-Arnaud : Excellent. Je pense qu’on a fait le tour du rapport d’expertise. Merci beaucoup, c’était très éclairant et ça s’ajoute à notre réflexion pour les décisions que la commission aura à prendre éventuellement. Merci beaucoup. Je vais laisser la parole à M. le bâtonnier.

Le Président (M. Marsan) : Je vous remercie, mais, avant de laisser la parole au deuxième… à l’opposition officielle, nous allons suspendre pour quelques instants, une période… une pause d’environ 10 minutes. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 55)

(Reprise à 11 h 12)

Le Président (M. Marsan) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je vous remercie. Et je vais immédiatement donner la parole à M. le député de Fabre, qui est le critique en matière de justice pour l’opposition officielle. M. le député.

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. En fait, tout d’abord, je m’en voudrais, puisque c’est la première occasion que j’ai ce matin de prendre la parole, de ne pas souligner à mon tour l’anniversaire du ministre. Alors, contrairement à mon habitude — et c’est à la blague, évidemment — je vais être gentil avec le ministre de la Justice. Ne craignez rien, M. le ministre.

Merci, Mme la bâtonnière, merci, chers membres du Barreau, pour votre mémoire très étoffé, très sérieux, très bien fait. Merci pour votre présentation aujourd’hui. Je pense que vos observations, fort utiles, le ministre l’a souligné, vont permettre encore de raffiner, d’améliorer le projet de loi, ce long processus qui est engagé depuis de nombreuses années. Et, malgré toutes les énergies et tous les efforts qui ont été consacrés dans ce dossier-là par le ministère de la Justice, les différents ministres qui se sont succédé dans ce dossier-là, on constate qu’il y a encore des choses à améliorer pour arriver à ce produit final que nous voulons de qualité.

Et je pense que, même si ça prend du temps, c’est un exercice qui le justifie, et donc on va continuer à travailler, et qu’il faut prendre le temps nécessaire. C’est ça, le message que moi, je retiens, c’est que, oui, il faut aller de l’avant. Et nous voulons tous que cette réforme de la procédure civile… Cet outil indispensable que nous voulons adopter pour améliorer l’accès à la justice de tous les concitoyens, et tous les Québécois, et toutes les Québécoises, il faut tout de même s’assurer qu’il est bien fait, parce que ce n’est pas quelque chose qu’on reprend à chaque année. Et donc, oui, il faut l’adopter, mais il faut tout de même prendre le temps de bien faire les choses.

Mme la bâtonnière, vous avez pris le soin, dans le… En référence à ce travail de longue haleine, vous avez souligné le travail des juristes d’État qui travaillent dans l’ombre, et le ministre a souligné les personnes qui l’accompagnent, et je pense qu’effectivement il est important de souligner ce travail dans l’ombre. Et j’espère que, s’ils ne nous écoutent pas, parce qu’ils sont très certainement affairés à leurs tâches… Il est important de rappeler à quel point nous sommes fiers et nous apprécions le travail des juristes de l’État, qui appuient les parlementaires et qui sont au service de l’État québécois. Et donc je pense qu’on ne le dit jamais assez, à mon point de vue.

Dernier point, qui est une observation, et évidemment il ne faut pas… quand on regarde la brochette de juristes exceptionnels que nous avons aujourd’hui devant nous, des membres du Barreau, je ne peux tout de même m’empêcher de souligner que, Mme la bâtonnière et Me Hawi, vous êtes en nombre insuffisant, c’est-à-dire que les avocates sont insuffisamment représentées, puisque le Barreau est de plus en plus… approchede plus en plus de la parité entre les avocates et les avocats en termes de nombre — et un jour il y aura plus d’avocates que d’avocats. Mais, tout de même, le Barreau est très bien représenté, et nous sommes très heureux de vous avoir aujourd’hui.

Ceci dit, il y a de nombreux points à aborder. Je ne vais pas revenir, là, sur les points qui ont été abordés par le ministre, parce qu’il y a d’autres points aussi… Non pas que ça ne m’intéresse pas, mais je pense qu’il faut aborder d’autres points.

La question des Petites Créances, vous en parlez un peu dans votre mémoire, vous faites référence à un projet pilote, la possibilité, là, de… Et là je ne veux pas aller trop loin, je vais vous lancer deux points, puis vous pourrez renchérir en revenant sur le contenu de votre mémoire. Les membres du Jeune Barreau sont venus — Jeune Barreau de Montréal, Jeune Barreau du Québec — sont venus et ont lancé l’idée que nous pourrions permettre à des jeunes avocats d’agir devant la Cour des petites créances. Les membres du Jeune Barreau, les représentants du Jeune Barreau ont dit : Écoutez, on ne veut pas s’exprimer pour l’ensemble du Barreau, donc nous limitons nos représentations aux avocats de 10 ans et moins, mais l’idée est tout de même cette ouverture à permettre des services juridiques de la part d’avocats à la Cour des petites créances, dont la juridiction serait haussée à 15 000 $, dans la mesure où il y aurait un tarif fixe pour ces services-là.

Alors, c’est des idées qui sont lancées et mises sur la table, et j’aurais aimé avoir vos observations sur cette idée-là et aussi, et j’ajoute, un élément, qui est celui du rôle des parajuristes, qui… J’ai cru comprendre que, dans d’autres provinces, on avait ouvert la porte ou on était à examiner la possibilité d’ouvrir la porte à des services rendus par des parajuristes et j’aurais aimé savoir, là, les commentaires du Barreau, connaître les commentaires du Barreau sur ces idées.

M. Sauvé (Marc) : Alors, M. le bâtonnier Ouimet, Marc Sauvé. On se connaît… on se connaît bien…

M. Ouimet (Fabre) : Un peu.

M. Sauvé (Marc) : On s’est côtoyés un petit peu. En ce qui concerne la possibilité de représentation par avocat en matière de petites créances, c’est vrai qu’on passe de 7 000 $ à 15 000 $, ce n’est pas rien. Puis il faut quand même dire que c’est 15 000 $, mais il y a des causes qui peut-être seraient à 20 000 $ puis que les gens ont décidé de descendre ça en bas de 15 000 $ pour pouvoir passer aux Petites Créances puis ne pas avoir besoin nécessairement de payer un avocat, parce qu’il n’y a pas de représentation par avocat en Cour des petites créances. Et à aucun moment le choix politique qui a été fait en 1971 sous feu Robert Bourassa n’a été remis en question dans les comités. Ça a toujours été clair, il n’y a personne qui a déchiré sa chemise là-dessus.Ça a toujours été clair qu’en matière de petites créances le choix politique qui avait été fait en 1971, c’était qu’il n’y avait pas de représentation par avocat en matière de petites créances. Donc, ce n’est pas un enjeu, à ce moment-ci, pour le Barreau — même si, quand même, on parle de 15 000 $ — ce qui ne veut pas dire que les avocats n’ont rien à voir là-dedans.

On ouvre la porte, bien sûr, à la médiation, médiation en matière de petites créances. Actuellement, ça existe, la médiation en matière de petites créances, mais elle n’est pas obligatoire. On croit savoir, selon les informations qu’on a, que les commerçants se font un peu tirer l’oreille, puisqu’ils n’ont pas nécessairement un intérêt délirant à se ramasser en médiation. Donc, ce qui est proposé, c’est un projet pilote, un projet pilote en matière de médiation de petites créances, l’article 830 du projet de loi.

C’est sûr que les avocats pourraient jouer un rôle en matière de médiation. Actuellement, le Barreau lui-même participe à une table de concertation des partenaires de justice en matière de petites créances. Cette table-là réunit des représentants de la Cour du Québec, des représentants des sections locales, les huissiers sont là, les notaires sont là, pour favoriser l’échange d’information, qui fera en sorte que la prévention et les règlements en matière de petites créances puissent davantage se faire au Québec.

• (11 h 20) •

Donc, en conclusion, pour résumer, ce n’est pas un enjeu, actuellement au Barreau, que de permettre la représentation par avocat en matière de petites créances, mais ce qui est un enjeu, c’est de jouer notre rôle en matière de médiation, en matière de conseil aussi, conseiller les citoyens qui vont aller à la Cour des petites créances. Ça se fait, il y a des projets, les jeunes barreaux… les membres du Jeune Barreau rencontrent régulièrement, à chaque année ou de façon régulière, les citoyens pour leur donner des séances d’information sur les petites créances ou pour les aider, pro bono, à faire leurs dossiers, à monter leurs dossiers en matière de petites créances. Alors, c’est donc la contribution du Barreau, la contribution des avocats, et je pense que ça, c’est important, on ouvre la porte.

Maintenant, on parle de médiation obligatoire.C’est certain que, dans la religion du Barreau, dans le code génétique du Barreau, obligation et médiation, ça ne fait pas des enfants forts. C’est certain parce que c’est de l’essence même de la médiation, il faut que les gens soient d’accord pour… qu’ils soient bien disposés, de bonne foi pour qu’on puisse juger l’arbre à ses fruits. Mais le projet pilote va nous aider à faire ça. Ce qu’on dit, nous, dans notre mémoire, c’est : On ne peut pas forcer un cheval à boire… ou d’aller à la fontaine, mais, une fois qu’il est rendu à la fontaine, il y a des chances peut-être qu’il se mette à boire. Donc, à quelque part, il y a peut-être un effort, une obligation aux parties qui pourrait être faite de se rencontrer, de se parler, mais sans retarder indûment l’accès aux tribunaux, parce que ça aussi,là, c’est une préoccupation qu’on a.

Donc, il y a une ouverture du Barreau là-dessus, et je ne sais pas si ça répond à votre question, mais c’est à peu près ce que je pourrais vous dire là-dessus.

M. Ouimet (Fabre) : Mme la bâtonnière.

Le Président (M. Marsan) : Oui. Mme la bâtonnière.

Mme Brodeur (Johanne) : …parajuristes, pour compléter le deuxième volet de votre question, nous sommes en… nous avons eu des discussions, les parajuristes nous ont approchés. Nous regardons de près ce qui s’est fait en Ontario avec nos collègues et le «Treasurer», là, le bâtonnier de l’Ontario, Tom Conway, et nous regardons les succès et les difficultés que ça a causées. J’ai moi-même… Dans mon organisation, je m’occupe des dossiers professionnels, et j’ai regardé de près les règlements de délégation d’actes qui peuvent être faits à l’intérieur des ordres professionnels. Alors, c’est une réflexion que nous faisons.

À l’heure actuelle, les parajuristes sont, en grande partie aussi, embauchés dans les cabinets d’avocats et ils ont une excellente collaboration. Alors, il faut voir… D’abord, nous, on va l’analyser, par la suiteil faut aussi parler à l’Office des professions, et regarder… avoir un profil, aussi, uniforme de leur formation, et vraiment voir quelle est leur formation. Alors, c’est un sujet qui nous intéresse.Nous sommes en train d’avancer dans ce domaine-là, mais,à l’heure actuelle, ça prend des modifications, là, pour… Et je ne crois pas qu’au moment où on est, là, pour la modification du Code de procédure civile, on puisse vous en dire plus que ça, parce qu’il n’y a pas de règlement ou de texte actuellement sur la table. Et Me Sauvé me fait signe qu’il souhaite compléter.

Le Président (M. Marsan) : Oui. Me Sauvé.

M. Sauvé (Marc) : L’année dernière, dans Le Journal du Barreau, le bâtonnier Nicolas Plourde a écrit un Propos du bâtonnier sur la possibilité pour les techniciens juridiques, les «paralegals», les paralégaux, d’occuper peut-être un certain espace. Évidemment, moi, comme un vieux routier du Barreau, quand j’ai regardé son éditorial, je me suis dit : Coudon, c’est un peu inhabituel que ces propos-là viennent du bâtonnier. Mais l’idée de base est quand même bonne, c’est-à-dire : possibilité élargie pour le public d’avoir accès à la justice. Et il y a une association… Évidemment, suite à cet éditorial-là, l’association des techniciens juridiques, une association canadienne, qui, récemment, a créé un chapitre québécois, a été intéressée par cet éditorial-là et a demandé de rencontrer le bâtonnier, qui a demandé à rencontrer le Barreau.

Et on a, nous, un comité, un comité au Barreau, sur les techniciens juridiques, les paralégaux et on rencontre ces gens-là pour les entendre, savoir qu’est-ce qu’ils veulent exactement, est-ce qu’ils s’enlignent sur la formation d’un ordre professionnel, est-ce qu’on a vraiment besoin d’un autre ordre professionnel, est-ce qu’ils se satisferaient d’un encadrement par le Barreau. Bon. Et on est loin de la coupe aux lèvres là-dedans, mais il y a des démarches qui sont faites, effectivement, pour aller dans ce sens de voir exactement qu’est-ce qu’il y a à faire avec cette question-là.

M. Ouimet (Fabre) : Merci. On va suivre ça avec beaucoup d’intérêt. Sur la question de la médiation, je ne veux pas y revenir, mais j’avais cru comprendre que la disposition, effectivement, visait à ce que les parties amènent le cheval à l’abreuvoir mais qu’on ne voulait pas forcer le cheval à boire. Mais on pourra revoir la disposition.

J’aimerais avoir une idée… En fait, non, je vais aller à un autre sujet. Mme la bâtonnière, vous avez évoqué un peu rapidement — à cause des contraintes de temps, non pas à cause du peu d’importance que vous accordez au sujet — la question de la version anglaise du Code de procédure civile. En fait, je suis persuadé que vous tiendriez le même discours à l’égard de toutes les lois québécoises, la qualité des lois étant importante, toutes les lois, mais, plus particulièrement sur la version anglaise, j’aimerais vous entendre, l’expérience du Barreau, sur la diffusion du droit québécois au niveau international, le rayonnement de la justice québécoise au niveau international, et de quelle façon la qualité des versions anglaises de nos lois et de notre jurisprudence peuvent contribuer à cette question.

Mme Brodeur (Johanne) : Alors, merci pour la question, ça me donne l’opportunité de vous dire que les membres du Barreau du Québec sont reconnus de façon vraiment notoire à l’international. Dans mon domaine, je travaille beaucoup à l’Organisation mondiale du commerce, à l’OMC, et les principaux juristes sont des Québécois. Pourquoi? D’abord, par leur bilinguisme, deuxièmement, par leur connaissance du droit civil et du droit commun et l’habitude qu’ils ont à travailler avec des textes bilingues. Et donc cette expertise permet aux avocats du Québec de rayonner, de rayonner à l’international, et leur expertise est recherchée et grandement appréciée. Et ça découle aussi de la facilité qu’ils ont et de l’obligation qu’ils ont de travailler avec ces deux textes, et donc l’importance d’avoir des textes vraiment solides, qui donnent justice tant au français qu’à l’anglais, qui donnent justice, en fait, au justiciable, et qui permettent, donc, que les deux textes soient équivalents, valables, qu’ils soient… qu’ils découlent de source, qu’ils puissent être appliqués exactement de la même façon afin d’éviter des litiges.

Et donc, profitant de cette expertise et de la connaissance des avocats du Québec, particulièrement dans la région de Montréal, les avocats du Barreau de Montréal ont regardé attentivement les textes, et ce qui est en annexe du mémoire du Barreau, ce sont vraiment des exemples précis… et quelques exemples précis, là, on n’a pas fait la totalité des exemples, mais quelques exemples précis où il pourrait y avoir une incongruité. Et c’est dans ce contexte-là qu’on vous dit : Avant la mise en oeuvre, on souhaite vraiment pouvoir s’asseoir, discuter, peaufiner, travailler avec ceux qui ont déjà fait une large part de travail, mais… afin, comme je le disais, d’amener les deux versions à cohabiter parfaitement afin d’éviter des litiges. Alors, on reconnaît le travail fait, mais, comme je l’ai dit d’emblée, le texte actuel, on n’y est pas encore, et on doit, je pense, coopérer, et je suis certaine que vous êtes ouverts à nos commentaires. Et on doit, par ailleurs, effectivement, améliorer cette traduction, de sorte que…et bénéficier de l’expertise particulière que les juristes du Québec ont.

M. Ouimet (Fabre) : Merci. Merci, M. le Président.Il y a un point qui touche plus particulièrement le Barreau, l’organisation, dans la mesure où nous aurons, un jour, un nouveau code de procédure civile. Portera-t-il un autre titre? On verra. Mais est-ce que le Barreau a déjà un plan de match, et, si oui, pouvez-vous me donner une indication en termes de délai et de temps entre l’adoption de cette loi très importante et sa mise en oeuvre, là, pour… Qu’est-ce que ça pourrait avoir l’air en termes de formation, délai, etc.?

• (11 h 30) •

Mme Brodeur (Johanne) : Alors, d’abord, chaque année, le Barreau du Québec publie une collection qui s’appelle la Collection de droit. Dans cette collection, la totalité de l’information nécessaire à la formation de nos étudiants est mise à jour et est publiée. Il faut donc absolument tenir en compte des délais qui nous sont obligatoires pour réécrire notre Collection de droit. On a estimé qu’il faudrait retoucher à peu près à 60 %, 70 % de la collection si le texte, fort important, entrerait en vigueur.

Donc, dans le meilleur des mondes, dans un monde idéal, si nous avions un texte presque final pour décembre, nous pourrions immédiatement mettre nos professeurs, avec ce texte en main, à la rédaction d’une collection qui, à ce moment-là, pourrait être publiée. Et ce que l’on souhaite, c’est enseigner le même code à toute une cohorte d’une année. Donc, l’idéal, pour nous, ce n’est pas d’enseigner à ceux qui débutent en juin une version, puis, par la suite, à ceux qui commencent en janvier une autre version. Pour nous, c’est beaucoup plus facile d’enseigner la même version à toute la cohorte. Donc, ça, il faut aussi en tenir compte.

D’autre part, on a déjà lancé l’idée avec la magistrature, si on fait une collection de droit, si on prépare des textes, si on prépare notre formation pour nos membres, on a un congrès qui a lieu en juin, ce serait fantastique de pouvoir faire un blitz de formation, en juin, de nos avocats, si c’était possible. Sinon, il faut vraiment reporter le tout, là, pour essayer d’arriver avec la nouvelle cohorte de juin l’année prochaine. Alors, c’est ça, nos contraintes.

Par ailleurs, on a déjà lancé l’idée… Et on parle avec la magistrature, la magistrature va devoir former ses juges, et nous devrons former nos avocats. Ne serait-ce pas fantastique que, dès le début, nous ayons une espèce de complicité d’idées qui ferait en sorte que tant la magistrature que les avocats n’auraient peut-être pas exactement la même formation mais une formation semblable? Alors, j’ai déjà ouvert les portes et je pense que j’ai une bonne écoute et que nous pourrions, la magistrature, la Chambre des notaires, les avocats, s’asseoir, et les autres ordres professionnels, les huissiers, les sténographes — qui ne sont pas un ordre professionnel mais qui sont importants pour nous et avec qui oncollabore — pour vraiment essayer de dégager de l’intention du législateur une formation commune afin d’essayer d’éviter le plus de litiges possible sur notre compréhension des textes.

M. Ouimet (Fabre) : Mais cette formation de l’ensemble des membres, là, peu importent le programme et les modalités, on estime être capables de réaliser tout ça, la rédaction, la formation, dans un délai de, quoi, 12 mois, 18 mois?

Mme Brodeur (Johanne) : Je pense qu’on est capables de le faire à l’intérieur d’un délai de 12 mois, et nous le ferons dans le délai que vous nous impartirez. Mais on trouve important que ça soit… Comme je vous disais tout à l’heure, là, on est… vous avez raison, il faut… La qualité doit être là, mais l’efficacité et l’accès, pour reprendre les termes de notre mémoire, doivent aussi être là.

M. Ouimet (Fabre) : Un point, si vous me permettez, sur la question de l’argent, des dépens, du tarif — vous n’avez pas eu l’occasion d’en parler lors de votre présentation — j’aurais aimé que vous nous expliquiez, rapidement, la mécanique du tarif. On propose l’abolition, c’est ce que je comprends, mais vous faites des représentations dans ce sens-là, vous mentionnez que le tarif est un outil d’accès à la justice. Alors, si je peux… si vous pouviez nous parler un peu des dépens et du tarif, de la mécanique, et comment vous pensez que ça peut contribuer, et ce qui devrait être amélioré, dans le projet de loi, à ce chapitre.

M. Chénier (Robert-Jean) : Certainement. Alors, à l’article 339, on comprend maintenant que les frais et les honoraires liés à la signification, les actes de procédure, les allocations aux témoins et les frais d’expertise, la rémunération des interprètes, bref, quoi, tous les déboursés vont constituer les frais de justice, et il n’y a plus les honoraires qui étaient accordés par le tarif, qui est aboli. Donc, celui qui poursuit, la règle de la succombance s’appliquant, va récupérer tout ce qu’il a dû engager comme coûts dans la procédure mais pas les honoraires, qui sont payables à son procureur.

Il y a encore une grande discrétion judiciaire, parce que l’article 340 dit : «Les frais de justice sont dus à la partie qui a eu gain de cause, à moins que le tribunal n’en décide autrement», ce qui est la règle actuelle, ce qui laisse donc place à la discrétion du tribunal à cet égard-là.

Ce qu’on propose, c’est que… Vous le savez, actuellement il est possible, dans les causes de grande importance, d’avoir un honoraire spécial, en vertu de l’article 15, du tarif qui n’existera plus; et il y a une jurisprudence à cet égard-là, Aztec Iron et autres, qui énonce tous les critères. On pense que ceci devrait être ajouté parce que, dans des cas exceptionnels, il y aura lieu d’ajouter un honoraire spécial.

L’autre préoccupation qu’on a vise l’article 341 et 342 : «Le tribunal peut, [...]avoir entendu les parties, sanctionné les manquements graves constatés dans le déroulement de l’instance», et on ne sait pas ce que l’on entend par «manquements graves». Vous savez qu’à l’article 19 il y a une obligation, et ce… le nouveau code, moi, je l’applaudis à cet égard-là, parce qu’il établit des principes directeurs, ce qui n’existait pas auparavant. Ce n’était pas stipulé de cette façon-là. Mais il y a une obligation, à l’article 20, des parties de coopérer, de divulguer de la preuve, de s’échanger de l’information, et donc ne pas prendre l’autre partie par surprise mais bien dévoiler tout ce qui est nécessaire pour peut-être faciliter un règlement et mieux faire comprendre les positions des parties.

Or, qu’est-ce que va constituer un manquement grave constaté dans le déroulement de l’instance? Est-ce que c’est quelqu’un qui n’a pas respecté ses engagements ou quelqu’un qui n’a pas, justement, fait la divulgation de la preuve, ce qui a engagé des coûts, etc.? Le Barreau considère que cette expression-là est trop vague et qu’on aurait avantage à mieux baliser les circonstances dans lesquelles le juge va accorder une compensation pour le montant des honoraires professionnels. Actuellement, on est sous la règle de Viel, en cas d’abus de procédure. Ça, c’est bien couvert. Mais dans quelles circonstances le juge pourra-t-il accorder des honoraires fondés sur… les honoraires professionnels de l’avocat? C’est en cas de manquement grave, et on estime que ça devrait être mieux balisé.

Le Président (M. Marsan) : Alors, merci. Nous terminons cet échange avec l’opposition officielle. Nous allons poursuivre avec la deuxième opposition, et je vais donner la parole à Mme la députée de Montmorency, qui est la critique dans le domaine de la justice pour la deuxième opposition. Mme la députée.

Mme St-Laurent : Merci, M. le Président. Écoutez, moi, je ne peux pas faire autrement que de vous remercier, au départ. Je dois vous dire, vous avez fait un travail extraordinaire. Et, je vais vous dire, je vais souligner que, plusieurs des points que vous avez notés, je les avais notés, moi aussi.

Et je tiens à vous dire également que, la commission, lorsque nous avons des débats, il n’y a pas de parti politique, hein? Il y a une collaboration de mon collègue… du ministre de la Justice, il y a une collaboration du député de Fabre, et, je vous le dis, nous formons un trio d’enfer pour travailler sur le droit. C’est aussi simple que ça. Parce qu’on va dans l’intérêt de la justice, l’intérêt des justiciables. Et, s’il y a des questions qui ne vous ont pas été posées, qui sont dans le mémoire, ne vous en faites pas, nous scrutons les mémoires mot à mot, virgule par virgule.

Mais je tiens à vous féliciter parce qu’il y a des points que j’ai trouvés extraordinaires, je vais vous dire, et auxquels je vous donne raison. J’irai sur l’expertise après, parce que moi, j’ai fait du criminel, comme mes collègues, j’ai fait un peu aussi de familial et de civil, donc ça me permet de distinguer les experts : les experts techniques et les experts qu’on dit plus sensibles, comme les experts pour les enfants en matière familiale. Il y a une différence entre un ivressomètre… un expert qui vient répéter la même chose, bien souvent, qu’un expert… par exemple, un psychologue pour les enfants ou un expert en matière familiale. Et je ferai la différence tout à l’heure par rapport à l’expertise.

Mais je vais aller sur le premier point à la page 17. On parlait d’un interrogatoire au préalable d’une durée plus longue que deux heures. C’est Me Verdon qui recommandait d’ailleurs le cinq heures aussi, en matière familiale, pour l’interrogatoire au préalable; je pense qu’il l’a très, très bien expliqué. Parce qu’il y a tellement de sujets. Je vous le dis tout de suite : Je vous donne raison. C’est extrêmement important. Je sais que vous êtes un expert en matière familiale, et, pour le bénéfice des gens, vous recommandez combien d’heures? Le cinq heures qui est là ou… Qu’est-ce que vous recommandez? Parce que je trouve ça important, on joue sur l’humain.

• (11 h 40) •

M. Verdon (Jocelyn) : Oui. On pense que… Règle générale, pour répondre à votre question d’une façon précise, puis selon les statistiques, là, qu’on consultait, puis il y a certains juges qui sont d’accord avec nous là-dessus, grosso modo, deux à trois heures, c’est suffisant. Grosso modo. Puis, toujours, le Barreau, dans l’esprit de s’ajuster au projet de loi qui disait : Accessibilité, réduction, certains contrôles, on en est venus à la conclusion que le cinq heures nous semblait tout à fait justifié et constituait la zone de confort du Barreau.

Bien, pourquoi cinq heures, alors que je viens de vous dire que deux, trois heures, ça pouvait être suffisant? C’est simplement parce que nous sommes d’avis que, si un interrogatoire doit durer plus de deux heures… Ce qui nous perturbe, c’est : Pourquoi demander à ces gens-là d’avoir une autorisation du tribunal? C’est-à-dire, c’est comme une course à obstacles, finalement, de s’expliquer, d’avoir… Tu sais, un interrogatoire, c’est important. Alors, oui, on veut éviter les abus, mais nous sommes d’avis que, tant et aussi longtemps que l’interrogatoire va se tenir en deçà de cinq heures, on n’est pas en présence d’abus, on est en présence de gens qui ont besoin de s’expliquer, on est en présence de gens qui se transfèrent de l’information, on est en présence d’experts, des avocats, et on va ressembler de plus en plus à des médecins avec des radiographies, puis on va être capables de poser le bon diagnostic.

Mais le fait d’inclure deux heures, ça va faire en sorte que certains juges, dans le feu de l’action, parce qu’on leur demande beaucoup de gestion, vont dire : L’intention du législateur, c’est deux heures, on arrête ça là, point. Et là ça va entraîner des débats puis des coûts qui nous semblent injustifiés par rapport aux abus qu’on tente d’éviter. Alors, au-delà de cinq heures, on arrive dans la zone où on se dit : Effectivement, peut-être, ça deviendrait des abus. Cinq heures, ça nous semble tout à fait adéquat pour disposer des problèmes de garde, de patrimoine, etc. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Mme St-Laurent : Oui, très bien. Maintenant, moi, c’est l’expertise. L’expertise, j’ai un problème avec ça. Le premier problème… Et je regardais d’ailleurs le Jeune Barreau par rapport à l’expertise, la divulgation des instructions données à l’expert. Lorsqu’on rencontre un expert, on le sait, que ce soit… expert technique sur une faculté affaiblie, ça va, mais, quand on arrive en matière familiale ou des causes plus complexes en matière civile, à ce moment-là les instructions que l’on donne… Est-ce que vous pensez — et vous me le direz — qu’il y a… les instructions que l’on donne à nos experts, par exemple d’analyser tel point, tel point, tel point… mais, au-delà des instructions, on leur donne quand même des renseignements, est-ce que vous trouvez que ça représente un danger? Parce que, là, on ne s’entendra plus sur les instructions de… La divulgation des instructions données à l’expert, est-ce que vous êtes d’accord avec ça, ou, pour vous, ça représente un danger? Jusqu’où vont aller les informations que vous allez donner à l’expert, que vous allez être obligés de divulguer?

M. Chénier (Robert-Jean) : L’expert peut être consulté de façon confidentielle et privilégiée, et on peut décider par la suite de ne pas l’amener comme témoin expert devant le tribunal. Et il est clair qu’à ce moment-là toutes les consultations sont absolument confidentielles et privilégiées.

Cependant, quand on prend le choix de demander à un expert de venir témoigner, l’article 22 nous dit bien que sa mission, c’est d’éclairer le tribunal, d’agir avec objectivité, impartialité, rigueur. Et, dans une nouvelle culture judiciaire, on considère que l’expert doit divulguer complètement les informations qu’il a reçues, le mandat qu’on lui a donné, les faits sur lesquels il s’est fondé, et il doit y avoir transparence à cet égard-là.

Donc, jusqu’ici, il y avait une jurisprudence de la Cour d’appel, dans Poulin et Prat, qui considérait que toutes les communications antérieures avec l’expert demeuraient confidentielles et privilégiées, mais on conçoit très bien qu’avec les nouvelles dispositions du Code de procédure civile ce qui a été échangé avec l’expert préalablement ne sera plus confidentiel et privilégié : parce qu’on veut favoriser la perception que l’expert est là pour éclairer le tribunal — c’est sa mission — et qu’il doit y avoir une certaine transparence aux instructions qui lui ont été données.

Mme St-Laurent : Est-ce que vous êtes d’accord avec la formulation?

M. Chénier (Robert-Jean) : Oui. Au Barreau, quand on l’a regardée, on considérait que les instructions, ça voulait dire le mandat ainsi que les informations qui ont été données à l’expert pour lui donner sa tâche d’évaluer le dossier et qu’on doit savoir… Et, je dois vous dire, je le vis en pratique. Quelquefois, on sort en contre-interrogatoire puis on se rend compte qu’on n’a donné à l’expert que certaines parties du dossier, qu’on lui a aussi donné des versions des faits qui ne sont pas démontrés devant le tribunal par la suite. Alors, c’est utile de voir que l’expert, malheureusement, quelquefois, a pu être teinté, de sorte qu’en toute équité, quand il arrive devant le tribunal, bien là, il faut qu’on sache exactement toutes les informations qu’il a reçues. Le choix demeure toujours à une partie de ne pas appeler l’expert devant le tribunal.

Mme St-Laurent : Maintenant, relativement au témoignage de l’expert… Et c’est pour ça que je disais tout à l’heure : Il y a l’expert technique, qui peut reprendre les termes ou ne pas les reprendre. Parce que les juges les avisent, habituellement : Monsieur, ne répétez pas ce qu’il y a — ou madame — dans le rapport. Cependant, est-ce que vousjugez… Puis on le voit en matière familiale. Je vais le demander aussi à Me Verdon, je trouverais inconcevable que l’expert ne puisse pas… que ça ne soit pas la même règle qu’antérieurement, où l’expert pourrait venir expliquer plus loin. Par exemple, dans l’expertise d’un enfant, on le sait, et j’appelle ça «dans l’humain» — «expert technique», c’est moins… disons que c’est plus technique et il y a moins d’extrapolation — à ce moment-là, l’expert qui vient, comme en matière familiale, souvent dans l’expertise, il ne rend pas compte, je vais dire, par exemple, des sentiments de l’enfant, des émotions, ou des parents, ou, dans les causes avec expertise psychologique… On en trouve ailleurs, dans certaines causes, aussi, des experts, si vous allez en diffamation, ça vous a causé tel tort psychologique, etc. Comment verriez-vous une adaptation au projet de loi pour permettre automatiquement de faire votre preuve en toute liberté, sans toujours demander la permission au tribunal pour faire entendre votre expert?

M. Verdon (Jocelyn) : Écoutez, c’est une bonne question. Je crois que l’article 294 répond à la question. Normalement, le tribunal est tout à fait conscient de l’importance du dossier de garde, va permettre aux parties ou à l’avocat de poser des questions additionnelles pour que l’expert puisse vraiment expliquer le fondement de son raisonnement.

Vous avez tout à fait raison quand vous dites : C’est très aléatoire, les dossiers de… Tu sais, on peut être pro-garde partagée, c’est quoi, l’intérêt d’un enfant? C’est difficile à… Il n’y a pas de règle, là. Alors, à compter de quand on confie la garde à quelqu’un? À compter de quand on ne la confie pas? Puis, surtout aujourd’hui, de plus en plus, on voit que les pères et les mères ont des rôles équivalents, de plus en plus. Les deux ont des aptitudes parentales. Donc, ça rend le travail des experts extrêmement complexe.

Alors, moi, je pense que les tribunaux… À mon avis, le texte tel que rédigé, l’application par les tribunaux… Si on se fie à ce qu’on voit actuellement, j’ai rarement vu un juge empêcher un expert ou une partie, là, d’apporter des précisions. Je répondrais par contre que d’où l’utilité d’en avoir deux, rapports d’expertise, en matière légale, parce que, si on a un seul rapport, là on a un problème sérieux de ne pas pouvoir aller au-delà. Mais, quand vous avez les deux versions, l’autre rapport d’expertise va normalement apporter l’éclairage différent. Alors donc, on a déjà notre partie de réponse. Je ne sais pas si…

Mme St-Laurent : Ça ne répond pas tout à fait à mes questions. Les textes de loi présentement, par rapport à l’expertise et par rapport… Vous savez que l’expert ne rendra pas un témoignage oral automatiquement, selon les nouveaux textes de loi, d’accord? Est-ce que vous verriez une modification à ce texte de loi… reprendre l’ancien texte de loi par rapport au témoignage de l’expert?

M. Chénier (Robert-Jean) : Sans retourner à l’ancien texte de loi, la proposition est que l’article 294 soit modifié pour que chacune des parties puisse interroger l’expert qu’elle a nommé pour faciliter la bonne compréhension du tribunal et expliquer les points de divergence des experts, et, à d’autres fins, avec l’autorisation du tribunal. Si on veut proposer concrètement une modification, ça serait celle-ci.

Mme St-Laurent : D’accord. Vous savez, puis je vous le demande aujourd’hui… On a reçu les différents mémoires. Cependant, si vous avez d’autres points, d’autres suggestions, vous pouvez nous les envoyer, on va en tenir compte.

M. Chénier (Robert-Jean) : Oui.

Mme St-Laurent : Ensuite, le huis clos et confidentialité est quelque chose… En matière familiale, on parlait tout à l’heure… on exige le huis clos. Vous savez que, le nouveau code, par exemple, je pense… je ne sais pas s’il y a un oubli, on nous a souligné ça, c’est que, les jeunes qui vont au Tribunal de la jeunesse, vous savez que c’est confidentiel, on ne peut pas… il y a un interdit de publication. Cependant, quand ils vont en appel en Cour supérieure ou en Cour d’appel, il n’y a pas de huis clos, tu sais, il n’y a pas de huis clos pour ces appels-là, et c’est vrai. À ce moment-là, est-ce que vous préconisez quelque chose? Parce que je ne le vois pas dans votre rapport.

M. Trahan (Dominique): On n’a pas fait de commentaire là-dessus…

Le Président (M. Marsan) : Je vous demanderais une très courte réponse, le temps est presque écoulé.

M. Trahan (Dominique) : Je n’ai pas compris…

Le Président (M. Marsan) : Alors, vous avez la parole.

M. Trahan (Dominique) : Excusez-moi?

Le Président (M. Marsan) : Je demanderais une très courte réponse puisque le temps est presque écoulé.

• (11 h 50) •

M. Trahan (Dominique) : Alors, on n’a pas de commentaire à ce sujet-là parce que, dans les instances d’appel, et qu’on parle de Cour supérieure ou encore de Cour d’appel, les parties sont rarement présentes. Alors, dans un premier temps, c’est ça.

Et, pour nous, ça a toujours été quelque chose d’inclusif, dans le sens où, en première instance, c’est la situation et donc ça devrait être la même chose ailleurs. On a fait souvent des représentations sur la question des rôles écrits qui sont disponibles aux greffes, pour ne pas que les noms apparaissent. Et il y a eu des discussions avec le greffe de la Cour supérieure et le greffe de la Cour d’appel à cet effet-là, qu’on parle de protection de la jeunesse ou encore de cas de délinquance. Et, même, on incite les gens du Barreau à intituler leurs procédures avec les initiales des enfants pour ne pas qu’ils soient identifiables.

Il y a peut-être un autre point que je pourrais rajouter sur la question de la confidentialité : En matière matrimoniale, au niveau de l’accès à des dossiers, je peux référer les gens à l’article 96 de la Loi de la protection de la jeunesse, qui défile les parties qui ont accès aux dossiers, et il n’y a jamais eu, de mon expérience à moi, là, puis je ne prétends pas que je possède la vérité, mais de problème majeur avec cette disposition-là. Et donc, si on faisait quelque chose de semblable en matière matrimoniale, je pense que ça pourrait rejoindre bien des intentions.

Mme St-Laurent : M. le Président, juste leur demander quelque chose. Ce n’est pas une question.

Le Président (M. Marsan) : Rapidement.

Mme St-Laurent : Je vais vous demander… Votre recommandation n° 10, à la page 23, je vais peut-être vous demander de la formuler, de rajouter quelque chose à la recommandation n° 10. Parce que, dans le fond, ce que vous reprochez, c’est la possibilité… il n’y a pas lieu de la possibilité de prévoir la tenue de l’interrogatoire. Vous voyez, à la page 22, vous faites des commentaires, et, votre recommandation, je la trouve incomplète. Ça fait que moi, j’aimerais ça si vous pourriez compléter la recommandation n° 10 et nous la faire parvenir, parce qu’elle est incomplète.

Le Président (M. Marsan) : Mme la bâtonnier.

Mme Brodeur (Johanne) : D’accord, je comprends la…

Le Président (M. Marsan) : D’accord.

Mme Brodeur (Johanne) : On va le prendre en délibéré puis on va vous revenir avec quelque chose. Compte tenu du temps, on fait ce qu’on peut.

Le Président (M. Marsan) : Alors, je vous remercie. Ceci met fin à cette période d’échange avec les oppositions. Nous revenons avec le parti ministériel, et je vais donner la parole à Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin : Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie à mon tour pour la présentation de votre mémoire, et je reconnais tout le professionnalisme du Barreau du Québec lorsqu’il s’agit de préparer et de présenter des mémoires en commission parlementaire.

J’ai eu le bonheur, moi-même, aussi, de pratiquer en pratique privée, autant au niveau criminel que civil. Et je partage aussi les propos de mon collègue de Fabre à l’effet que… je me réjouis que les membres du Barreau aient presque atteint la parité hommes-femmes, parce que, quand j’ai commencé à pratiquer, ce n’était pas le cas.

J’avais trois questions, vous avez répondu à deux en particulier. J’avais des interrogations concernant la confidentialité en matière familiale et je pense que vous avez très bien répondu. J’ai encore des interrogations concernant la durée de l’interrogatoire au préalable. Me Verdon, vous avez répété vos arguments, mais je me pose encore des questions, parce que vous semblez dire, parce qu’il y a un côté émotif, qu’on devrait extensionner le délai, puis tout ça. J’irais plutôt a contrario, à l’effet que, si c’est émotif, vous ne pensez pas qu’on devrait plutôt l’encadrer, encadrer le délai? Alors, j’aimerais vous entendre encore à ce sujet-là, parce que mes collègues ont posé des questions aussi puis on revient toujours sur le fait que ça ne semble pas clair.

M. Verdon (Jocelyn) : Oui. O.K. Le côté émotif, lorsque je l’ai abordé, c’était pour porter à votre attention que le côté émotif fait en sorte qu’il y a une difficulté d’analyser objectivement une proposition ou la réalité. Alors, cet élément-là étant présent en matrimonial, l’interrogatoire a pour, justement, effet d’obliger les parties à structurer leur pensée. C’est ça, le but de l’interrogatoire, c’est un échange d’information.

Alors, je vous donne un exemple, là. On est en milieu de procès, le monsieur dit… de procédure, je veux dire, le monsieur dit : Moi, j’ai eu un héritage — par exemple, on parle du patrimoine familial — j’ai eu un héritage, puis tu n’as pas droit à la maison. Alors, souvent, il va y avoir un non catégorique, de la part d’une ou l’autre des parties, à cet argument-là. L’interrogatoire peut, en cours de route, permettre à l’avocat d’aller loin dans les demandes, dans les précisions, dans l’explication de cette affirmation-là de monsieur. Ça permet à madame d’assister à l’interrogatoire et, alors qu’il disait constamment non, d’entendre les réponses, d’avoir accès aux pièces justificatives et de voir le processus qui s’enclenche, autre que sentimental. Les sentiments, c’est une chose, mais répondre à des questions, donner des faits, expliquer notre raisonnement puis sur quoi on se base pour dire oui ou non, c’est un élément qui est fondamental.

Et c’est ça, l’élément déclencheur qui fait des règlements. Parce que ça permet à l’avocat, qui, lui, en bout de ligne, lorsqu’il est en présence de ce refus d’une partie… On doit l’accompagner dans son processus. Puis on a besoin d’outils pour montrer au client qu’on est sensible à sa demande mais qu’on est capable aussi d’exercer notre travail, de dire : Écoutez, ce que vous me demandez est impossible en droit, à cause des réponses et des pièces auxquelles j’ai eu accès en interrogatoire. Donc, l’élément de l’interrogatoire est fondamentalement important pour la transmission d’information.

Puis je reviens avec le fait que, je ne l’ai peut-être pas assez précisé, c’est un déclencheur de règlement, à mon avis. On ne peut qu’être gagnant par un interrogatoire. On obtient des informations, ça peut réduire la preuve, on va déposer la transcription, le juge… Souvent, le juge va nous dire : Écoutez, ce témoignage-là, écourtez-le, j’ai lu la preuve. Donc, tout le monde est gagnant.

Et c’est la raison pour laquelle nous pensons que le cinq heures est nécessaire. Le restreindre à deux heures, ça va faire en sorte qu’une des deux parties n’aura pas eu la chance de s’expliquer ou, si elle veut le faire, elle devra payer encore une fois, et j’appelle ça la course à obstacles.

Il y avait la médiation, il y a eu plein de processus. Là, je suis en présence de quelqu’un qui est essoufflé, je suis en présence de quelqu’un qui ne veut qu’aller voir un juge. Et mon dernier filet, c’est l’interrogatoire où j’ai de l’échange d’information. Puis là ça va structurer le dossier, dans le cadre d’une simulation de procès, avec quels sont les droits. Je vous dirais que c’est l’étape finale avant la chirurgie, c’est : le radiologiste a les radiographies, les prises de sang, et là il est capable, pour la première fois, de dire… de donner un diagnostic extrêmement précis. Et des fois, bien, ça nous permet de dire : Malheureusement, ce que vous me demandez est impossible en droit, et ça, c’est là que notre travail est le plus facile, après avoir entendu la personne.

Mme Beaudoin : Merci. Mon autre question s’adresse à Me Saint-Onge, concernant les recours multiterritoriaux, article 577. Je vous cite : «Le Barreau exprime des doutes sur la nécessité de», l’article 577 du projet. Et vous dites : Le Barreau craint que cette disposition soit la source de débats importants sur la territorialité des lois et des aspects conditionnels. Vous avez mentionné que vous pensez que c’est difficile quant à son application, et vous êtes allés plus loin, vous avez parlé de suspension de certains recours collectifs. J’aimerais vous entendre sur ce sujet-là, pour éclaircir tout le monde.

M. Saint-Onge (Jean) : C’est que, typiquement, je parle non pas de recours que je vais qualifier «d’indigènes», là, des recours qui sont intentés ici, au Québec, et qui ne visent qu’une classe de résidents québécois, mais je parle davantage de recours multijuridictionnels. Exemple, on poursuit Honda Canada ou GM parce qu’il y a un problème de freins qui occasionne un rappel. Donc, on intente typiquement… Il y a des bureaux d’avocats qui vont intenter, simultanément dans huit ou neuf provinces, des recours collectifs avec des classes qui se chevauchent et des classes… ce qu’on appelle des classes nationales, donc qui incluent tous les Canadiens, simultanément. Donc, il y a un chevauchement important.

Il est clair qu’on ne peut pas procéder dans huit juridictions. Et normalement, contrairement aux États-Unis où il y a la règle du NDL… Et la procédure du NDL, ici, c’est la bonne entente entre les parties qui fait en sorte que, pour éviter les dépenses inutiles, on va procéder dans une juridiction par rapport à une autre; et c’est souvent la juridiction en Ontario ou la Colombie-Britannique qui est privilégiée, pour toutes sortes de raisons historiques. Ça veut dire que, généralement, les avocats vont s’adresser aux autres juridictions pour leur demander de suspendre le recours. Le juge a discrétion, le juge analyse la demande, et, dans la plupart des cas, le recours québécois est suspendu, parce qu’il y a un recours qui va évoluer, qui va être priorisé, qui est celui de l’Ontario ou la Colombie-Britannique, et parfois ça peut être le Québec aussi, incidemment, là, pas dans tous les cas mais à l’occasion, de sorte que le débat sur l’autorisation va se faire… ou la certification dans les autres provinces va se faire dans une seule province, et un jugement éventuel pourra affecter, là, les droits des membres québécois, des résidents dans l’autre juridiction. Mais, pendant ce temps-là, le recours du Québec est suspendu.

Un des problèmes qu’on voit, c’est toute la question de la notion de la classe nationale. Il y a des constitutionnalistes, là, qui estiment qu’un tribunal de l’Ontario ou un tribunal du Québec ne peut pas rendre un jugement qui lie des justiciables de d’autres juridictions canadiennes que celle du Québec. Les Cours d’appel ne se sont pas prononcées là-dessus, la Cour suprême a évité la question, de sorte que, lorsque la question sera soumise éventuellement devant un tribunal d’appel, il n’est pas du tout certain que la conclusion sera que le tribunal… la Cour supérieure du Québec peut rendre un jugement qui lie les… qui vise des résidents de d’autres juridictions canadiennes, et vice versa.

Alors, au niveau de la suspension, c’est par nécessité qu’on le fait, c’est pour éviter d’avoir à multiplier des débats dans plusieurs provinces. Et il est très bien qu’il en soit ainsi, d’ailleurs, là.

• (12 heures) •

Mme Beaudoin : Merci, M. le Président.

M. Saint-Onge (Jean) : Est-ce que je réponds à votre question?

Le Président (M. Marsan) : Mme la députée de Mirabel.

Mme Beaudoin : Oui. Vous parlez… dans la plupart des cas, il y a suspension. Quelle est la proportion?

M. Saint-Onge (Jean) : Ah! Je vous dirais, quand cette demande-là est adressée à un juge, le juge va s’assurer que les droits des… avant de suspendre le recours québécois, que les droits des justiciables dans les autres… qui feront partie du justiciable québécois, les membres du groupe qui seront inclus dans le groupe national, dans un recours qui va être tranché et débattu dans une autre province, sont bien protégés, de sorte que… Et, généralement, le juge va conserver son dossier ouvert une fois la suspension accordée, de temps à autre va contacter des avocats pour s’assurer que le litige… que le recours collectif en Ontario ou dans une autre province progresse, progresse bien, dans l’intérêt des membres du Québec. Typiquement, c’est comme ça que ça se présente.

Mme Beaudoin : Merci.

Le Président (M. Marsan) : M. le ministre, pour une dernière intervention.

M. St-Arnaud : Oui. Bien, écoutez, peut-être, en rafale, quelques éléments, là. D’abord, sur l’article 7, si on mettait «un délai pour la suspension n’excède pas six mois», est-ce que vous pourriez vivre avec ça?

M. Chénier (Robert-Jean) : Dans le mémoire, le Barreau n’a pas mentionné de délai, mais, dans les discussions en comité, c’est un délai auquel on pensait. On considère qu’un délai de deux mois, c’est vraiment trop tôt dans les causes où il faut obtenir tous les faits, les expertises, et tout. Mais un délai de six mois apparaît tout à fait raisonnable.

M. St-Arnaud : Ça va. Me Saint-Onge, sur l’action collective, on a écouté avec beaucoup d’attention, là… vous êtes revenu à deux reprises sur 577. On va regarder ça de très près.

M. Saint-Onge (Jean) : C’est une préoccupation, M. le ministre.

M. St-Arnaud : Ce que je comprends, c’est que vous proposez qu’on enlève complètement 577.

M. Saint-Onge (Jean) : Oui, parce qu’on peut arriver au même résultat avec la jurisprudence qui s’est développée au fil des ans, mais de là à l’inscrire dans un texte législatif, alors qu’on n’a pas… alors que les autres provinces ne le font pas, c’est une invitation, à coup sûr, d’assurer une érosion des recours québécois au profit de d’autres juridictions. Il faut éviter ça à tout prix.

M. St-Arnaud : Ça va. Me Trahan, sur l’article 85, là, il va reprendre… Là, il y a un libellé qui est effectivement au code présentement, là, dans les dispositions, à la toute fin du projet de loi, mais éventuellement l’article 85 va être réécrit dans le même style, là, que l’actuel, là.

M. Trahan (Dominique) : Avec une nomenclature. Mais c’est parce que…

M. St-Arnaud : Avec une nomenclature, oui, oui, c’est ça. Alors, je veux juste…

M. Trahan (Dominique) : …parce que l’énumération n’apparaît pas au code actuellement.

M. St-Arnaud : Non, non, pas présentement, parce qu’il faut, là, faire les retouches, mais il y aura une nomenclature. Ça va?

M. Trahan (Dominique) : Alors, à ce moment-là, ça rejoint ce qu’on suggère.

M. St-Arnaud : Excellent. Juste sur l’inquiétude quant à l’expertise commune en matière familiale, c’est quand même… C’est à quel article? 159? C’est quand même… c’est le juge…

Une voix : …

M. St-Arnaud : C’est ça, c’est le juge. 159.2°, c’est ça, c’est le juge qui… ce n’est pas… C’est loin d’être automatique, là. On laisse un pouvoir au juge de l’imposer dans certaines circonstances, là.

M. Verdon (Jocelyn) : Oui, tout à fait. Mais c’est parce qu’on est sur le terrain. On a un conflit, on a des problèmes de… les juges ont des problèmes de gestion, de raccourcir leurs délais. Ils ont leurs contraintes; nous, on a les nôtres, c’est de faire valoir le droit de nos clients. Ce que je veux dire par là, c’est que, le désir du législateur, on peut inférer de cette possibilité-là, de dire : Écoutez, je vais l’ordonner. Et souvent c’est dans… le réflexe, ça va être un dossier extrêmement litigieux. C’est dans ces dossiers-là que ça va se produire. Et là le juge, voyant cela, va dire : J’ordonne la production d’un rapport. Nous, on pense que ça pourrait constituer une erreur et… C’est parce que ça ne peut qu’être dans les dossiers extrêmement conflictuels. Puis nous, on pense que, dans les dossiers extrêmement conflictuels, il faut laisser, justement, ces gens-là aller au bout du processus, c’est-à-dire s’expliquer, faire valoir leur position, parce qu’on est en matière de garde d’enfants. C’est la prétention.

M. St-Arnaud : Écoutez, je ne suis pas un expert en droit familial, mais est-ce que, rendu là, à un moment donné, le juge ne pourrait pas dire, justement : Dans l’intérêt de l’enfant, j’aimerais ça avoir un éclairage… un expert… j’aimerais imposer, finalement… reprendre le terme, imposer une expertise commune?

M. Verdon (Jocelyn) : Bien, le problème que je vois avec ça, c’est que l’expertise… Le juge peut nommer son propre expert, s’il le juge approprié, mais le problème que je vois, c’est que… Compte tenu du caractère un peu abstrait des expertises de garde, le fait de nommer un seul expert, comme je vous dis, c’est qu’on va avoir un expert — puis c’est reconnu dans le milieu — qui a une philosophie. Et, si ce n’est pas celle de l’autre parent qui perd la garde, nous, on pense que c’est déplorable, parce qu’on va avoir quelqu’un qui va subir une garde avec toujours le sentiment que, s’il avait pu avoir accès à une autre expertise, il aurait peut-être gagné. Et ça, bien, ça ne fait que retarder le problème, qui va ressurgir une année plus tard.

M. St-Arnaud : Mais, comme Me Chamberland vient de me le faire remarquer, quand vous lisez 159.2°, si on le lit jusqu’au bout : «…imposer, le cas échéant, l’expertise commune, si le respect du principe de proportionnalité l’impose et que cette mesure, tenant compte des démarches déjà faites, permet de résoudre efficacement le litige sans pour autant mettre en péril le droit des parties à faire valoir leurs prétentions», là, c’est quand même…

M. Verdon (Jocelyn) : Bien, c’est vrai, sauf que c’est le justiciable. On parle d’accessibilité à la justice puis on parle de garde. Quand on lit cet article-là, la préoccupation du Barreau, c’est, à la fin du procès, qu’importe la décision du tribunal, quelles sont les mesures les plus efficaces pour nous assurer que les gens vont se conformer au jugement et vont mieux accepter la défaite. Le fait de l’ordonner, pour nous, c’est dans les dossiers extrêmement problématiques. L’expérience nous démontre que, dans les dossiers problématiques…

M. St-Arnaud : …Me Chamberland, c’est un bon argument, ça. Je pense que vous avez marqué un point, là, dans votre dernier 30 secondes.

Écoutez, parce que le temps passe, puis le président va m’interrompre à un moment donné, mais juste une chose, honnêtement, j’ai de la difficulté avec votre deux heures qui doit aller à cinq heures. Il me semble que… Mettons, dans l’hypothèse où on déciderait de le mettre à trois heures, trois heures par personne, là, par témoin. Aïe! trois heures, là, je ne sais pas, là, en pratique, là, trois heures, là, tu as le temps de faire un bon tour d’horizon, là. Puis évidemment il y a toujours le pouvoir du juge, dans certains cas qui nécessitent une attention plus particulière, d’autoriser de dépasser le deux heures, présentement, que peut-être on pourrait mettre à trois heures pour répondre en partie à votre préoccupation. Mais il me semble que, trois heures, tu aurais le temps de faire le tour, puis, si jamais ça nécessite d’aller plus loin, bien, le juge a le pouvoir d’autoriser d’aller plus loin que le nombre d’heures prévues.

M. Verdon (Jocelyn) : Écoutez, je reviens encore, là…

Le Président (M. Marsan) : En terminant.

M. Verdon (Jocelyn) : Pardon?

Le Président (M. Marsan) : En terminant.

M. Verdon (Jocelyn) : En terminant, bien, le problème du trois heures, c’est certain que tout le monde, y compris la cour, peut dire : Écoutez, c’est suffisant, deux heures. La préoccupation du Barreau, c’est le justiciable, parce qu’actuellementle seul endroit où les justiciables ont accès à la Cour supérieure, c’est par l’entremise du droit à la famille. Alors, ça, c’est la théorie de base.

Notre réflexion, c’est : Que vont — puis, écoutez, excusez-moi la caricature — dire les justiciables, dans leurs partys de Noël, concernant leur expérience à la cour? C’est ça, la préoccupation du Barreau. Comment ils vont réagir par rapport à ça? Puis, nous, ce qu’on veut comme Barreau, c’est que les gens disent : Moi, j’ai été écouté, j’ai été respecté, on m’a offert des modes alternatifs. Je suis allé à la cour parce que je n’avais pas le choix et j’ai été écouté.

Puis, pour la garde d’enfant — vous remarquez, j’insiste beaucoup pour la garde — c’est fondamental. Alors, c’est pour ça que l’interrogatoire, c’est la même chose. L’interrogatoire, pour nous, ça semble simple. Pour nous, froidement, c’est évident, mais je suis en période de divorce, je mets fin à 25 ans d’union… Et, à ce moment-là, je pense que l’efficacité de le mettre à cinq heures… C’est simplement que, dans la majorité des cas, le trois heures peut être suffisant. Mais, nous, ce qui nous préoccupe, c’est pourquoi exiger, si on excède le deux heures ou le trois heures, pourquoi exiger que ces gens-là déboursent davantage d’argent, alors que cinq heures, ça risque de régler tous les problèmes puis c’est à cinq heures que, là, on part? Le but, c’est que ces gens-là s’expliquent. C’est comme des joueurs de hockey : on les laisse se battre puis, quand ils ont terminé, on les sépare, ils sont fatigués.

M. St-Arnaud : Merci. Écoutez, on va réfléchir à tout ça. Oui?

M. Saint-Onge (Jean) : Si je pouvais ajouter concernant l’expert commun. Me Verdon a bien dit à quel point ordonner un expert commun en matière de garde d’enfant, ça perturberait la perception du justiciable concernant un débat contradictoire. Et puis la position du Barreau concernant l’expert commun a toujours été, et elle l’est encore — elle l’était dans le mémoire de décembre 2011 et en septembre 2013 — que 159 ne devrait pas être d’office, devrait seulement être à défaut d’entente entre les parties. Quand les deux parties s’entendent pour avoir chacune leur expert, le Barreau prend la position que le juge ne devrait pas pouvoir ordonner un expert commun à l’encontre du consentement des parties.

M. St-Arnaud : Dans les deux cas, que ce soit l’expert commun ou que ce soit la durée de l’interrogatoire préalable en matière familiale, vous dites : C’est l’intérêt du justiciable. C’est votre argument pour les deux éléments. Est-ce que… M. le Président, avec le consentement de l’opposition, je vais prendre du temps de l’opposition. C’est ma fête, ils me donnent quelques minutes, M. le Président.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. St-Arnaud : Il y a un sujet, il y a un dernier sujet dont on n’a pas parlé, c’est…

Une voix : …

• (12 h 10) •

M. St-Arnaud : … — oui, exactement — c’est l’article 1, et je trouve ça triste, là, qu’on n’en ait pas parlé, parce que vous en avez… c’est «doivent considérer», là, c’est le dernier alinéa de… Et j’ai remarqué, dans votre mémoire, que vous faites référence aux notes explicatives du projet de loi pour peut-être nous inspirer dans d’éventuelles modifications.

Mais, si je reviens à vos questions, là, juste en une ou deux minutes, vous vous interrogez sur la réelle portée de l’obligation «doivent considérer», quelle est la sanction, comment peut-on contrôler le respect de cette obligation. Hier, on a reçu Mmes Huguette St-Louis, Céline Pelletier, Marie-Claude Sarrazin, de l’observatoire, qui nous ont dit… quinous ont présenté l’idée de peut-être avoir une attestation, qui serait signée par les parties, sur le fait qu’ils ont effectivement considéré et qui nous ont proposé aussi la possibilité d’envisager certaines sanctions si… Est-ce que, si on allait de ce côté-là, avec une attestation avec qui… en précisant ce qui arriverait en termes de non-respect de cette obligation-là, est-ce qu’il y a une piste qui vous sourirait ou si vous maintenez qu’il faudrait y aller un cran plus bas que «doivent considérer»?

M. Chénier (Robert-Jean) : Absolument. Je pense que ce serait une solution, une piste dans la bonne direction. Je reprends les cinq points du Barreau, puis ils sont aux pages 63 à 69 de l’annexe.

Premier point : Le Barreau appuie l’objectif de valoriser et promouvoir les modes privés mais tout en préservant le rôle capital du tribunal. Deuxième point : Il y a des situations où les modes privés ne sont pas appropriés. Prenons la victime d’un acte criminel. On ne peut pas lui demander de s’asseoir avec son abuseur le lendemain matin pour discuter calmement de la situation. Le tribunal a sa place d’emblée. Il y a la question des coûts dont parle le Barreau aussi. Il n’y a rien qui arrive par l’effet du Saint-Esprit, et ce n’est pas tout le monde qui est capable d’avoir accès. Le quatrième point, c’est qu’on croit à des mesures incitatives, et ce dont vous parlez, pour moi, ça tombe dans les mesures incitatives. Et le cinquième point, c’est qu’il va falloir avoir des études, voir comment ça fonctionne, parce qu’on rentre dans du nouveau territoire, M. le ministre. Le Barreau veut appuyer, veut avoir un engagement dans ce sens-là, et par la suite, il le dit à la page 68, on devrait avoir vraiment des bonnes études pour voir si ces modes privés respectent les principes directeurs qu’on se donne dans le Code de procédure civile. Alors, globalement, c’est le point de vue du Barreau à ce sujet.

M. St-Arnaud : Ça va. Écoutez, on va… parce que «doivent considérer», c’est déjà bas un peu, là, parce que ce que… Mais, écoutez, je retiens ce que vous avez dit. Vous dites… Ce que j’ai mentionné, ce qui a été mentionné hier par l’observatoire en termes d’idées concrètes, ce serait une piste à explorer, qui pourrait peut-être répondre à une partie de vos interrogations.

M. Chénier (Robert-Jean) : Absolument. Et ce n’est pas la position du Barreau, mais je vais donner mon opinion personnelle : «doivent considérer», c’est un peu des termes qui sont…

M. St-Arnaud : C’est flou.

M. Chénier (Robert-Jean) : …contradictoires. L’un est une obligation, puis l’autre, c’est d’évaluer. Peut-être, ce serait «peuvent considérer». Enfin…

Le Président (M. Marsan) : Alors, je vous remercie. Ceci termine cette période d’échange. Vous voulez dire un dernier mot, le mot de la fin?

M. Verdon (Jocelyn) : Bien, c’est parce que ça pourrait peut-être vous aider dans votre réflexion, je pense, là. La Loi sur le divorce a déjà prévu, lorsqu’elle a été adoptée, l’obligation pour les gens d’aller en médiation, de voir s’il y a des possibilités de réconciliation, et, dans les procédures matrimoniales, maintenant c’est systématique. C’est écrit : L’avocat déclare sous serment qu’il a discuté des possibilités de réconciliation. L’avocat a discuté des modes alternatifs. Donc, peut-être que cette… Les avocats, je pense, n’ont aucune objection, au contraire, à ce que ça apparaisse dans chacune des procédures. Là, vous venez de régler un immense problème. La procédure est prise, ça a été discuté, le justiciable a lu la procédure, donc il est informé que ça existe. Puis, à ce moment-là, ça pourrait être une solution intéressante. Mais le Barreau s’était prononcé sur la Loi sur le divorce puis on avait collaboré avec ça.

Le Président (M. Marsan) : Alors, merci. M. le député de Fabre, au nom de l’opposition officielle, vos dernières questions ou commentaires.

M. Ouimet (Fabre) : Il reste deux minutes? Deux, trois minutes?

Le Président (M. Marsan) : Un peu moins de 10 minutes.

M. Ouimet (Fabre) : Ah bon! Mon Dieu! C’est là où on se rend compte que d’être généreux, ça paie toujours. Il y a plusieurs points sur… Je vais revenir sur la question de la médiation, l’obligation de considérer les règles… les différents… les modes alternatifs, là, ce que j’appelle les modes alternatifs. Mon expérience en droit criminel, et je pense que le ministre réagissait de la même façon : il faut faire attention de ne pas faire un énoncé trop large quand on dit que c’est inapproprié pour une victime d’acte criminel de rencontrer son agresseur, parce que l’expérience sur le terrain est à l’effet contraire, c’est-à-dire qu’évidemment, quand c’est bien fait, quand c’est bien encadré, quand le terrain est bien préparé, c’est une mesure de réconciliation, de réparation du tort causé à la victime, qui peut être utile. Alors, je nous invite à ne pas être trop absolus ni dans un sens ni dans l’autre. Vous vouliez m’interrompre, M. le Président?

Le Président (M. Marsan) : Non. Allez, allez.

M. Ouimet (Fabre) : Donc, c’était le commentaire par rapport à ça. Il y a un point que vos observations ont fait ressortir, et ça me frappe, et je pense que ça vaut la peine d’y revenir, c’est toute la question du consentement des parties. Et je pense que vous avez raison de… Il y a, à mon point de vue, une certaine contradiction au niveau de l’esprit du nouveau code, c’est-à-dire, d’une part, on met de l’avant les modes alternatifs ou on incite les parties à collaborer, à trouver des solutions, à se parler, mais, par ailleurs, à plusieurs endroits dans le code où les parties pourraient s’entendre, on juge ou on estime que ce n’est pas suffisant pour leur permettre d’agir sur cette base-là. Et je pense que nous sommes peut-être en flagrant délit de contradiction dans notre volonté…

Et je n’ose pas penser que ce qui anime le refus de permettre aux parties d’agir de consentement, c’est cette idée qu’on ne peut pas faire confiance aux avocats pour conseiller adéquatement leurs clients. Et ça, je pense que, comme législateurs, on ne peut pas, on ne peut pas baser le choix législatif sur cette idée que les avocats ne font pas leur travail de façon professionnelle et compétente. Qu’il y ait eu des abus, qu’il y ait à l’occasion des dérapages, ça, je pense que tout le monde peut le constater. Mais je pense que nous devons nous mettre en garde, comme législateurs, d’éliminer cette possibilité que les parties consentent, à moins qu’il y ait des raisons impérieuses de le faire.

Et les observations du Barreau, en tout cas, moi, m’interpellent sur certaines dispositions, notamment sur la question de l’interrogatoire préalable. J’avoue que de forcer les parties à être obligées d’aller devant le tribunal alors qu’elles s’entendent… J’ai tendance à penser, là, qu’il y a peut-être un… dans la mesure où on fixe une balise extrême, là. En tout cas, bref, on pourra y revenir, mais j’apprécie… Vous avez touché une corde très, très sensible en ce qui me concerne.

Sur la question des actions collectives, j’aurais aimé revenir — il me reste quelques minutes — très rapidement, sur… Vous avez dit… Me Saint-Onge, vous avez expliqué la réduction des délais antérieurement, au niveau du processus d’autorisation des actions collectives, et vous avez… J’ai noté que deux des trois facteurs que vous avez soulignés, qui avaient contribué à la réduction des délais, c’était au niveau des interrogatoires préalables, en fait vous avez mentionné : Puisqu’il n’y a plus d’affidavit du requérant, on n’avait plus… il n’y avait plus d’interrogatoire au préalable, de même que la gestion particulière, ce qui démontre la nécessité d’intervenir au niveau du code, à mon point de vue, pour essayer de baliser davantage ces aspects de la procédure. Vous êtes d’accord avec nous?

M. Saint-Onge (Jean) : Tout à fait. Et je pense que, pour les praticiens, les avocats ou même les plaideurs d’habitude, là, qui sont interpellés dans les recours collectifs, il n’y a personne qui voudrait revenir en arrière avec ce qui existait, là, avant la réforme de 2003, parce que ça a grandement aidé les choses. Ça a fait en sorte que les débats se déroulent de façon plus sereine et plus rapidement aussi. On parle de 12 à 18 mois.

Et c’est dans ce contexte-là qu’on pensait que nous étions maintenant collectivement assez mûrs pour réintroduire le droit d’appel, et faire en sorte que le jugement d’autorisation — parce qu’à l’heure actuelle il n’y en a pas — puisse servir aux justiciables, et faire en sorte qu’on évite de prolonger des débats qui ne tiendront pas la route ultimement, au mérite, après avoir consacré du temps, des énergies, des ressources judiciaires à un recours qui a été autorisé mais qui pourrait peut-être bénéficier de l’éclairage de la Cour d’appel. Et on sait que, dans bien des cas, ces jugements-là sont… peuvent être infirmés. Donc, c’est pour ça qu’on trouvait que le contexte et que le moment étaient venus de reconsidérer ou de réintroduire le droit d’appel qui existait à l’origine.

• (12 h 20) •

M. Ouimet (Fabre) : Alors, merci, M. le Président. Merci. Je vais terminer là-dessus. Donc, merci aux membres du Barreau, à ceux qui sont ici aujourd’hui. Mme la bâtonnière, vous transmettrez également nos remerciements à tous ceux qui ont participé de près ou de loin à vos travaux. Merci.

Le Président (M. Marsan) : Alors, merci, M. le député de Fabre. Ceci termine cette période d’échange entre les oppositions.

M. St-Arnaud : …de ce que vient de dire le député de Fabre, en 30 secondes.

Le Président (M. Marsan) : Toujours votre anniversaire.

M. St-Arnaud : Je vais en profiter, ça revient juste une fois par année. Mais effectivement, Mme la bâtonnière, et mesdames et messieurs, merci beaucoup. Je pense qu’on a eu un trois heures très constructif. Je pense qu’on a… En tout cas, moi, dans ma tête, j’ai réglé un certain nombre de questions, qu’on va évaluer avec les gens pour la suite des choses. Et je veux vous dire qu’on n’a pas eu l’occasion d’évaluer l’ensemble des éléments qui sont… l’ensemble des propositions qui sont faites au mémoire, mais sachez que même… Évidemment, vous le savez, vous venez régulièrement devant les commissions parlementaires, mais sachez que toutes et chacune des propositions que vous avez faites, des recommandationsqui ont été faites dans votre… qui furent faites dans votre mémoire vont être analysées par les gens qui m’accompagnent en vue de prendre une décision sur chacun des points que vous avez soulevés.

Je pense qu’on a fait un bon bout de chemin depuis deux ans, depuis un an et demi, avec l’avant-projet. J’étais heureux de voir que vous étiez satisfaits des modifications qui avaient été faites dans la foulée des consultations sur l’avant-projet. Et là je pense qu’on franchit une autre étape. Sachez que les points qui n’ont pas été abordés ce matin vont être attentivement étudiés. Merci.

Le Président (M. Marsan) : Mme la bâtonnière, je suis certain que vous voulez nous adresser quelques mots.

Mme Brodeur (Johanne) : Oui, mais, en fait, je vais céder le temps de parole qu’il me reste à mon confrère Me Verdon.

Tout simplement, d’abord, merci de votre écoute. Je voudrais aussi souligner la présence de Me Lauzon avec nous, qui n’a pas pris la parole, compte tenu de la situation et du temps, mais qui a été d’une grande expertise, une aide dans le dossier. Il y a un sujet qui n’est pas dans notre mémoire, pour lequel vous n’avez pas posé de question mais par ailleurs qui est une réplique à ce que vous avez entendu cette semaine, et je terminerais tout simplement en donnant l’opportunité à Me Verdon de vous en toucher mot.

Le Président (M. Marsan) : Rapidement, Me Verdon.

M. Verdon (Jocelyn) : C’est concernant la possibilité pour les notaires d’homologuer des ententes matrimoniales. La position du Barreau sur cela… Et, entendons-nous bien, ce n’est pas un réflexe, là. Je tiens à le préciser, ce n’est pas du tout un réflexe. Dans l’absolu, posons-nous la question suivante… La perception que nous avons, c’est qu’il y a un risque de banaliser. On pense que la perception de la Chambre des notaires banalise ce que ça veut dire, homologuer une convention. Nous sommes en présence d’un dossier où, quelques fois, même dans plein de fois, il y a un rapport de force qui n’est pas en équilibre. Et les gens peuvent bien convenir d’une entente, ce n’est pas nécessaire que… ce n’est pas évident qu’elle sera nécessairement conforme à la loi. Vous avez des dispositions d’ordre public. La loi sur le patrimoine, qui est d’ordre public, on ne peut pas y renoncer par écrit. Vous avez des pensions alimentaires pour enfants, on ne peut pas y renoncer par écrit. C’est le choix du législateur dans le Code civil.

Ce que ça implique, tout ça, c’est que, lorsqu’on fait une convention, la protection qui reste au système législatif et légal, c’est le pouvoir de surveillance de la Cour supérieure. Qu’est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que l’avocat arrive avec la fameuse procédure… Ce n’est pas une question de bataille, ce n’est pas ça. La question, c’est la possibilité pour l’avocat, lorsqu’on arrive devant un tribunal… C’est pour ça que je m’explique, on ne banalise pas, là… Quand on arrive avec une convention qui a été réglée, le juge pose des questions, le juge valide la convention. Ce n’est pas du «rubber stamp» automatique. Le juge doit s’assurer que la convention est conforme au patrimoine familial, est conforme aux pensions alimentaires pour enfants. Si tel n’est pas le cas, l’avocat répond aux questions, l’avocat fait des représentations devant le tribunal.

Or, la position des notaires, c’est de dire : Nous connaissons d’avance le résultat, nous savons que la convention est conforme et nous savons qu’il n’y aura aucune représentation de faite. Ce n’est pas dans l’intérêt des justiciables qu’un notaire se présente et qu’il soit incapable de répondre aux questions. Ce n’est pas son travail. Donc, on a un problème de champ de pratique selon les lois constitutives. Mais l’avocat, c’est la raison pour laquelle nous insistons, doit être en mesure de terminer le travail par une requête, de répondre aux questions du tribunal. Et ça, ça constitue, selon nous, de l’argumentation. L’intérêt du justiciable, c’est d’avoir un seul intervenant pour faire des représentations devant le tribunal. Mais homologuer une convention, ce n’est pas juste mettre une étampe.

M. St-Arnaud : …Me Verdon, je me demande si c’est sa fête aussi.

M. Verdon (Jocelyn) : Bientôt.

M. St-Arnaud : Il a réussi à avoir un cinq minutes non prévu par le règlement.

Le Président (M. Marsan) : Alors, je vous remercie, tous et chacun, particulièrement vous, Mme la bâtonnière, et toute l’équipe avec laquelle vous vous êtes présentée aujourd’hui, de nous avoir donné le point de vue du Barreau du Québec sur le projet de loi n° 28.

Mémoires déposés

Nous allons passer aux remarques finales, et vous êtes invités à rester ici pour les écouter; vous pouvez demeurer dans vos sièges. Mais, avant de passer aux remarques finales, je dépose les mémoires des organismes qui n’ont pas été entendus.

Remarques finales

Et j’invite maintenant Mme la députée de Montmorency à formuler ses remarques finales et peut-être un petit commentaire aussi. La parole est à vous, Mme la députée de Montmorency.

Mme Michelyne C. St-Laurent

Mme St-Laurent : Oui. Le premier commentaire avant de commencer mon allocution finale, c’est de vous dire, donc, que vous n’êtes pas d’accord pour rendre les conventions en matière de séparation… les rendre non contentieuses, à ce que j’ai compris, pour que les notaires les homologuent. Ce que les notaires demandaient, c’est qu’ils voulaient faire l’homologation et faire les conventions, les rendre dans les matières non contentieuses. À ce moment-là, en les rendant en matières non contentieuses, ils pouvaient, à ce moment-là, agir en matière de divorce. Je ne vous pose pas la question, je passe le commentaire, là, de ce qui s’est passé et je vous dis immédiatement : Je vous donne raison dans votre réponse, c’est la réponse que j’avais apportée.

Maintenant, je vais commencer mon allocution finale. M. le ministre, M. le Président, M. le député de Fabre, mes autres collègues et tout le personnel, nos juristes très expérimentés, je tiens à vous remercier, mais je tiens à remercier tous les participants. Sans eux… Parce que vous savez qu’un avant-projet de loi n’est jamais parfait, loin de là, et je pense qu’ici on a une équipe, je vous le disais tout à l’heure, une équipe du tonnerre pour travailler et prendre pas seulement connaissance de ce qui est dans le mémoire, de ce que vous avez rajouté aussi.

Tout le monde ici… Je sais que mes collègues, tout le monde et les juristes vont travailler énormément à l’amélioration de cet avant-projet de loi. Votre expertise nous est à tous bénéfique, et sachez que vos recommandations ainsi que celles contenues dans les mémoires qui nous ont été remis seront toutes évaluées. Même, M. le Président, il y a des gens qui ont dit : Est-ce qu’ils vont prendre connaissance de nos mémoires? Est-ce qu’ils vont en tenir compte, on n’est pas allés devant la commission? Écoutez, oui, tout le monde, on a à coeur, ici, l’intérêt du public, et, tous les mémoires, nous en tiendrons compte.

Et je tiens à dire, en finissant : C’est extraordinaire la réponse que nous avons eue en termes de mémoires, des mémoires bien travaillés, des mémoires qui ont abordé à peu près tous les points du projet de loi, et je pense que les juristes, les mémoires… tout le monde a fait un travail extraordinaire. Maintenant, c’est à nous de nous mettre à l’ouvrage, et c’est ce que nous ferons. Mais il ne faut pas oublier la remarque du Barreau. Il faudrait que ce projet de loi soit adopté dans les meilleurs délais afin qu’il puisse s’y préparer d’avance. Est-ce que nous aurons une sous-commission? Je laisse ça entre les mains de mes collègues pour y réfléchir, pour faire ce projet de loi, pour ne pas… pour que ce projet de loi avance et qu’il y ait une adoption finale dans les meilleurs délais et un travail bien fait. Merci, M. le Président, et merci à tous.

Le Président (M. Marsan) : Merci, Mme la députée. M. le député de Fabre, vos remarques finales.

M. Gilles Ouimet

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de remercier les collègues députés, M. le ministre ainsi que le personnel, Mme la sous-ministre, les juristes de l’État qui ont participé à cet important projet de société. En fait, je remercie aussi nos techniciens, les gens qui nous rendent plus intelligents quand on pose des questions, aussi, c’est important, qui facilitent notre vie.

C’est un important projet de loi. À mon point de vue, c’est majeur. La question de l’accès à la justice, pour moi, est une question fondamentale dans une société de droit comme la nôtre, une société libre et démocratique, et nous avons une obligation, comme société, comme parlementaires, à nous attaquer… à mener à bien ce projet-là, et je peux vous assurer que l’opposition officielle va y travailler avec diligence pour mener à bien ce projet.

• (12 h 30) •

Ceci dit, je le répète, à chaque fois, pratiquement à chaque commission parlementaire, le travail législatif est un travail qu’on ne peut bousculer, qu’on ne peut précipiter, et il est nécessaire de prendre le temps nécessaire. Et donc, dans ce sens-là — je sais que mes collègues prennent un malin plaisir à faire des blagues sur la question de l’utilité d’une sous-commission ou d’autres moyens pour accélérer le processus — sachez que je serai toujours ouvert à discuter de moyens pour améliorer notre processus législatif, mais je m’opposerai toujours avec véhémence à des mesures qui ne servent pas l’intérêt public dans le processus législatif. Et donc on verra comment nous pourrons mener à terme et à bien, et le plus rapidement possible, cet important projet de loi.

Ceci dit, vous me permettrez, M. le Président, une brève remarque sur la mécanique, parce que je pense que nous avons vécu, au cours de ces consultations particulières… On a un peu dérogé à nos habitudes. C’est-à-dire que, compte tenu de l’importance du projet de loi et compte tenu de l’importance de l’avis du Barreau sur ce projet de loi, je pense qu’il était tout à fait approprié que nous prenions le temps nécessaire pour écouter les représentations du Barreau sur ce projet de loi et donc que nous ayons accordé trois périodes d’une heure… Je pense qu’au début on pouvait penser qu’on n’aurait pas suffisamment de questions pour toute la période de trois heures, et l’expérience a démontré qu’on a été obligés de nous limiter, parce que ces échanges ont été fructueux, nécessaires, et il y a plusieurs des observations qui vont enrichir la réflexion du ministre et qui vont bonifier le projet de loi. Et donc, encore une fois, ça a fait la démonstration de l’utilité des consultations particulières.

Et donc je nous convie à la prochaine étape, qui pourra être la semaine prochaine — M. le ministre, vous nous le direz — et je réitère, en terminant, la collaboration de l’opposition officielle dans cet important projet de loi.

Le Président (M. Marsan) : Merci, M. le député. M. le ministre de la Justice.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud : Oui, merci, M. le Président. Merci pour votre travail aujourd’hui. Je remercie tout le monde. Je ne reprendrai pas tous ceux qui ont participé aux travaux de cette commission depuis mardi matin.

Effectivement, le député y a fait référence, le député de Fabre y a fait référence, on vient de franchir une autre étape, une autre étape. C’était la dernière série de consultations en commission parlementaire sur le nouveau Code de procédure civile. Et effectivement j’espère que, dès la semaine prochaine, peut-être dès mardi… mais, pour faire ça mardi, ça prend le consentement de l’opposition, puisqu’il y aura rapport de la commission mardi, et ça prend le consentement pour, dès mardi soir, commencer le débat en deuxième lecture. Alors, si vous le souhaitez, M. le député de Fabre, on pourrait, dès mardi soir, procéder à ce qu’on appelait, dans le temps, la deuxième lecture, c’est-à-dire les débats pour l’adoption du principe. En tout cas, si ce n’est pas mardi, ce sera dans les prochains jours, sans nul doute, en tout cas, sans nul doute dans mon esprit.

Et après ça, bien, on arrive à la dernière étape législative avant l’adoption finale, qui est l’étude article par article. Et là la balle va être dans le camp des parlementaires. Moi, là, rendu là, c’est dans le camp des parlementaires et notamment et principalement les parlementaires qui sont autour de cette table. Et je pense, M. le Président, que nous avons, à cet égard, une responsabilité historique à l’endroit de notre communauté juridique et du Québec tout entier. Depuis deux semaines, j’ai eu l’occasion, notamment avec la sous-ministre en titre, avec Me Drouin, de faire le tour de quelques rentrées des tribunaux dans plusieurs districts judiciaires, et c’est assez fascinant de voir à quel point les avocats, les juges attendent ce Code de procédure civile. D’ailleurs, dans l’esprit de certains, c’est comme s’il allait sans problème être adopté à Noël, puis les gens nous disaient… Quand je leur disais : Bien, écoutez, ce n’est pas sûr que ça va être adopté en décembre, les gens étaient souvent surpris. Ah non? Comment ça? Alors, c’est dire à quel point les gens attendent ce nouveau Code de procédure civile, qui découle de 10, 15 ans de réflexion, d’études, de propositions. Et on l’a vu avec le Barreau, M. le Président, on voit à quel point, là, ça a cheminé au cours des dernières années, puis là on est rendus dans les derniers ajustements au projet de nouveau code, auquel ont contribué — puis je le dis souvent, bien honnêtement — plusieurs de mes prédécesseurs, et notamment le député de Saint-Laurent qui a déposé l’avant-projet de loi il y a un an et demi, presque deux ans, deux ans.

Alors, on a une responsabilité, M. le Président, et je pense qu’il faut absolument que tous les membres de cette commission fassent le maximum. Moi, je peux vous dire, de ce côté-ci, là, je l’ai mis dans mes priorités et je suis prêt, avec mes collègues, la députée de Mirabel, le député de Sherbrooke, tout le monde, avec les hauts fonctionnaires, qui, évidemment, jouent un rôle extrêmement important sur ce dossier, je suis prêt à mettre toutes les énergies. Décembre, c’est peut-être rapide, mais février, c’est certainement faisable. Et je pense que, si… Parce qu’après ça ce n’est pas un secret de le dire qu’on rentre, à partir du mois de mars, dans une zone incertaine, M. le Président, quant à l’existence même de la présente législature. Et je ne peux pas croire, moi, que tout ça retomberait, le compteur repartirait à zéro dans une prochaine législature.

Alors, on est à une étape législative d’adopter ce nouveau Code de procédure civile, il faut mettre toutes les énergies. De ce côté-ci, moi, je suis prêt à les mettre, M. le Président, même si, vous le savez, j’ai déposé sept projets de loi au printemps. Il y en a eu seulement deux d’adoptés, mais on en a sept qui ont été déposés. Je prévois en déposer probablement quelques-uns cet automne encore, mais la priorité va demeurer le nouveau Code de procédure civile. Il faut qu’on mette toutes nos énergies. Et je lance, bien sûr, à cet égard-là… Je sens la collaboration de l’opposition et je la sollicite, parce qu’on a une responsabilité à cet égard-là, responsabilité d’aboutir avec ce dossier.

Alors, M. le Président, sur ces quelques mots, j’espère vivement qu’on sera en mesure, dans les prochains jours, peut-être dès mardi soir, sinon la semaine prochaine, à un autre moment, de faire… de passer… d’adopter le principe du projet de loi, donc ce qu’on appelait avant la deuxième lecture, et ensuite, bien, c’est l’étude article par article. Et déjà j’ai demandé aux hauts fonctionnaires qui m’accompagnent qu’on puisse très rapidement, sur le livre I, sur le livre II, avoir des propositions d’amendement qui vont dans le sens de ce qu’on a entendu cette semaine pour que rapidement on puisse avancer. Et l’Assemblée nationale ajourne le 6 décembre. Donc, 6 décembre, c’est peut-être un peu vite, à travers tout le reste, pour adopter les 830 articles et étudier tous les amendements qui seront… Mais je pense que février, c’est faisable, M. le Président.

Et, je l’ai dit en introduction — et je conclus là-dessus — au printemps, j’ai eu l’occasion de rencontrer Gil Rémillard, qui a été ministre de la Justice, à qui je demandais : Mais comment vous avez fait pour adopter le nouveau Code civil en trois mois et demi? Parce qu’ils avaient formé… ils avaient commencé à étudier article par article le 27 août 1991 et ils ont fini le 13 décembre 1991, trois mois et demi, plus de 3 000 articles. Comment vous avez fait? Et donc, si on a été capables en 1991, si le ministre de la Justice de l’époque, Gil Rémillard, la porte-parole de l’opposition officielle de l’époque, Louise Harel, ont été capables d’adopter un nouveau code civil, plus de 3 000 articles, en trois mois et demi, en article par article, je ne peux pas croire qu’on n’est pas capables, surtout avec la collaboration de tous. Et on en a une… Effectivement, vous y faisiez référence, Mme la députée de Montmorency, je pense, qu’on a… Depuis un an, on travaille bien, je pense qu’on travaille bien, on avance. Et, pour l’intérêt de la justice et pour l’intérêt de tous, je pense qu’on est capables. Je ne peux pas croire, M. le Président, qu’on n’est pas capables, en cinq, six mois, d’adopter un nouveau code de procédure civile d’à peu près 800 quelques articles. Je pense qu’on est capables.

Alors, il va falloir mettre les énergies et, s’il le faut, multiplier les réunions, les séances le soir, le lundi, le vendredi. Je sens que peut-être mes collègues trouvent que — à ma droite — j’en mets un peu trop, mais il va falloir mettre les énergies, parce que, M. le Président, ce code de procédure… ce nouveau Code de procédure civile, il est attendu, et il faut le livrer au plus tard… sinon en décembre, au plus tard en février, les gens nous attendent là-dessus, et il faut enfin aboutir sur ce dossier. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Marsan) : À mon tour de vous remercier, M. le ministre, et les gens qui vous accompagnent de même que les députés du parti ministériel, les députés des oppositions officielles et critiques dans le domaine de la justice. Je voudrais remercier nos secrétaires, qui nous aident à paraître beaucoup mieux, comme vous avez bien mentionné, nos techniciens, techniciennes audio et vidéo, nos transcripteurs et transcriptrices, qu’on ne voit pas mais qui sont toujours présents et présentes, nos pages, et enfin nos téléspectateurs.

La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci et bon retour à tous.

(Fin de la séance à 12 h 40)

 

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"Sed quis custodiet ipsos custodes?" — Juvénal, Satires, VI, 346.  En français : « Qui nous protègera contre ceux qui nous protègent ? »  In English: " Who will protect us from those who protect us? "

 — Mauro Cappelletti dans Louis Favoreu (dir.), Le pouvoir des juges, Paris, Economica, 1990, p. 115.
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On the “Rule of Law”
“In public regulation of this sort there is no such thing as absolute and untrammelled ‘discretion’, that is that action can be taken on any ground or for any reason that can be suggested to the mind of the administrator; no legislative Act can, without express language, be taken to contemplate an unlimited arbitrary power exercisable for any purpose, however capricious or irrelevant, regardless of the nature or purpose of the statute. Fraud and cor­ruption in the Commission may not be mentioned in such statutes but they are always implied as exceptions. ‘Discretion’ necessarily implies good faith in discharging public duty; there is always a perspective within which a statute is intended to operate; and any clear departure from its lines or objects is just as objectionable as fraud or corruption.”

— Mr. Justice Ivan Cleveland Rand writing in the most memorable passage in Roncarelli v. Duplessis, [1959] S.C.R. 121 at the Supreme Court of Canada, page 140.
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The social tyranny of extorting recantation, of ostracism and virtual outlawry as the new means of coercing the man out of line, is the negation of democracy.

— Justice Ivan Cleveland Rand of the Supreme Court of Canada, Canadian Bar Review (CBR)
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Fears are mounting that the psychiatrist Anatoly Koryagin is near to death in the notorious jail of Christopol in central Russia. Letters that have reached the West from his wife and a friend indicate that he is so weak that unless he is given expert medical care he could die at any time. Dr. Koryagin has been in prison for the last four years for actively opposing the political abuse of psychiatry. The abuse takes the form of labeling dissidents as mad and forcibly treating them with drugs in mental hospitals.   ― Peter B. Reddaway, "The Case of Dr. Koryagin", October 10, 1985 issue of The New York Times Review of Books
"If we were lawyers, this would be billable time."
A Word on Caricature
“Humor is essential to a successful tactician, for the most potent weapons known to mankind are satire and ridicule.”

— “The Education of an Organizer”, p. 75, Rules for Radicals, A Practical Primer for Realistic Radicals by Saul Alinsky, Random House, New York, 1971.

I am no fan of Saul Alinsky's whose methods are antidemocratic and unparliamentary. But since we are fighting a silent war against the subversive Left, I say, if it works for them, it will work for us. Bring on the ridicule!  And in this case, it is richly deserved by the congeries of judicial forces wearing the Tweedle suits, and by those who are accurately conducting our befuddled usurpers towards the Red Dawn.

— Admin, Judicial Madness, 22 March 2016.
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